plantes A
MON HERBIER DE SANTE
MAURICE MESSEGUE
L'ABRICOTIER
C'est un arbre béni des dieux, un arbre de santé
Je me souviens qu'enfant, j'allais en marauder les beaux fruits jaunes
dans les vergers de Gavarret. A l'instant où j'écris, il me semble
que le jus délicieux, mi-acide et mi-sucré, m'en coule encore dans la
bouche...
Les botanistes ont la mauvaise habitude de classer les végétaux
dans les genres auxquels on s'attend le moins. Ainsi, à leurs yeux,
l’abricotier n'est qu'un prunier - d'Arménie, certes, mais un prunier
tout de même. En vérité, cet arbre aux fruits couleur de laiton ou
de vieux cuivre est originaire d'Asie centrale. On le trouve encore
à l’état sauvage entre Pékin et la Grande Muraille. ce sont les Romains,
puis les Arabes, qui l'ont introduit dans le sud de l'Europe
Lorsque j'ai eu enfin le temps de lire, après avoir fait tous les métiers
pour vivre, je n'ai pas été étonné d'apprendre (tant il est vrai que la
médecine par les plantes est un art que les hommes se sont ingéniés
à trouver puis à reperdre) que le grand chirurgien arabe Meshué
utilisait l'abricot contre les maux d'oreilles, les douleurs nasales et
les hémorroides : c'est justement l'emploi qu'en faisait mon père...
Lorsqu'il est bien mûr - et lorsqu'il n'a pas été traité à grands
coups d'insecticides - l'abricot constitue un délicieux dessert,
riche en vitamines A et C, que je recommande tout particulièrement
aux enfants, aux anémiques, aux intellectuels, à ceux qui souffrent
des yeux, et qui n'est à déconseiller qu'à ceux qui se plaignent de
l’estomac et du foie. On peut l'administrer en compote aux rhuma-
tisants, le donner à l'état frais pour purger le corps, ou le faire bouillir
dans l'huile contre les diarrhées. La petite amande que contient le
noyau s'emploie de la même façon que les amandes amères et les
amandes douces (voir AMANDIER); elle possède des propriétés
vermifuges, mais elle doit être utilisée à très faibles doses à cause
du dangereux poison, l'acide prussique (acide cyanhydrique), qu'elle
contient.
RÉCOLTE :
Ayez au moins un abricotier au verger : il charmera
vos regards, il vous attirera des concerts de chants d'oiseaux, et vous
vous en porterez mieux ! Si c'est impossible, tâchez de vous procurer
les abricots les plus frais et les moins traités possibles. N'employez
ces beaux fruits d'or à des fins médicinales qu'en saison (autour
du mois de juin) : ceux que vous pouvez acheter hors saison, outre
qu'ils sont très chers, sont nécessairement bourrés de produits chi-
miques.
PRÉPARATION ET EMPLOI :
Mangez à satiété des abricots, frais, en confiture, en
compote ou bouillis dons l'huile.
Mais préparez aussi les remèdes suivants :
DÉCOCTION DE FRUITS
(en compresses, contre les maux d'oreilles et de nez) :
comptez 100 g d'abricots coupés en morceaux par litre d'eau
BAINS DE SIÈGE
contre les hémorroïdes : mêmes proportions
BAINS COMPLETS
BAINS DE MAINS ET DE PIEDS
au jus d'abricot (notamment pour la beauté de la peau) :
comptez un litre de jus pour une baignoire, un grand verre pour une
cuvette (il existe des sels de bain à l'abricot dans le commerce).
L'ABSINTHE
Je n'imaginais pas, quand je rencontrais cette grande
herbe d'argent ciselé au détour des chemins poudreux et ensoleillés
de Gavarret, qu'elle avait tué Verlaine et qu'elle avait été, à la fin du
siècle dernier, à I'origine d'un fléau social aussi terrible que l'est
aujourd'hui I'usage des stupéfiants. Ce concentré d'amertume, qui
symbolise les épreuves de la vie dans les Écritures Saintes, contient
en effet un poison redoutable. A faibles doses, c'est un apéritif, au
même titre que l'anis ou le fenouil. A doses exagérées, elle devient
une drogue dont on ne peut plus se passer. Elle attaque le système
nerveux dans son ensemble, et entraîne des hallucinations, puis
un engourdissement général, l'hébétude, la déchéance physique
et la mort...
La grande absinthe, encore appelée aluine, alvine, herbe sainte, armoise
amère ou herbe aux vers, se reconnaît aisément à ses feuilles duve-
teuses, argentées et découpées en fines lanières, à ses fleurs minus-
cules réunies en capitules comme de charmants pompons jaune pâle,
et surtout à I'odeur forte et aromatique qu'elle exhale lorsqu'on
la froisse entre les doigts.
Déjà célèbre chez les Égyptiens, les Grecs et les celtes, capable d'ou-
vrir l'appétit au dire de l'Arabe Avicenne, active contre le mal de mer
selon l'École de Salerne (xive siècle), elle a été utilisée pêle-mêle
contre les rhumatismes, la peste, le choléra, la jaunisse, les angines,
la paralysie, le scorbut, les oreillons, les otites et les maux de dents.
On I'employait en outre pour éloigner les mites et les mouches, pour
tuer les rongeurs, et, disait un auteur du Moyen Age, pour calmer
les femmes acariâtres et bilieuses !
Tout, là-dedans, n'est évidemment pas sérieux. Quant à moi, j'ai
principalement vérifié l'action de l'espèce contre les parasites de toutes
sortes, et notamment contre les vers. N'était le goût affreux de la
poudre, de la macération sous forme de bière ou de I'infusion que
l'on prépare avec ses feuilles, je les recommanderais plus souvent
aux enfants. Les adultes, eux, s'en accommodent.
Par ailleurs, l'absinthe est un excellent tonique général : elle excite
I'appétit et stimule les fonctions digestives dans leur ensemble. Grâce
à elle, j'ai littéralement redonné le goût de la vie à une jeune fille
neurasthénique qui refusait tout aliment. Elle excelle encore à soigner
les insuffisances du foie, elle peut guérir la jaunisse, et j'aime à la
donner aux convalescents qui relèvent d'une hépatite virale. c'est
en outre un bon médicament pour faire tomber la fièvre; nos ancêtres
en usaient abondamment avant la découverte de la quinine. Je la
recommande pour régulariser ou provoquer les règles. c'est un anti-
septique utile, et une herbe qui fait merveille contre la diarrhée.
Mais attention ! Avec cette énergique herbe de Diane , les doses
doivent être scrupuleusement respectées. Qui les dépasse s'expose
à une série de troubles assez graves (maux de tête, vertiges, inflamma-
tion des conjonctives, etc.). Je déconseille formellement I'usage de la
plante aux femmes enceintes, aux femmes qui allaitent, et à tous ceux
qui souffrent d'hémorragies de I'estomac ou de I'intestin.
Récolte :
Cueillez les feuilles et les fleurs de I'absinthe en juillet-
août, avant le plein épanouissement. Veillez à choisir des pieds qui
aient poussé loin des pots d'échappement des voitures : l'espèce
aime en effet à croître au bord des routes...
Utilisez la plante fraîche, ou après l'avoir fait sécher à l'ombre.
PRÉPARATION ET EMPLOI :
POUDRE D'ABSINTHE :
réduisez en poudre 2 pincées de feuilles d'absinthe sèches;
mêlez-les à 2 pincées de poudre de réglisse et une demi-pincée de poudre
d'anis vert. (Comme tonique, I à 2 pincées avec de la pulpe de pruneaux.
Comme vermifuge, 2 à 3 pincées à jeun, pendant 5 .jours, toujours avec
de la pulpe de pruneaux.)
INFUSION :
jetez 5 à 20 pincées de feuilles d'absinthe
d'eau chaude ou froide; sucrez abondamment. (2 tasses
grand maximum, pendant 3 ou 4 jours.)
VIN D,ABSINTHE :
mettez une demi poignée de feuilles d'absinthe dans
I litre de vin blanc ou de bière, et laissez reposer deux semaines. Autre
formule: mettez l'absinthe dans de l'alcool pendant 24 heures, et n'ajou-
tez qu'ensuite le vin ou la bière; laissez 10 jours et filtrez. (Un verre à
liqueur par jour au grand maximum, pendant 3 ou 4 jours, avant les
repas pour ouvrir l'appétit, après les repas pour faciliter la digestion,
à jeun le matin contre les vers.)
SIROP :
dans un litre de bon vin blanc, mêlez deux poignées
de sommités fleuries sèches d'absinthe, une demi poignée de pétales
de roses rouges sèches,6 pincées de cannelle et 400 g de miel; laissez
24 heures à chaleur douce ou une semaine à température normale;
filtrez. (Un verre à liqueur avant les repas, pendant 3 jours, comme
digestif èt vermifuge.)
Nota : Les femmes qui nourrissent leur enfant au sein
doivent s'abstenir absolument de prendre de l'absinthe, de même que les
tempéraments bilieux et sanguins, de même encore que les individus
qui souffrent de l'estomac ou de I'intestin.
L'ACHILLÉE MILLEFEUILLE
Lorsque le bouillant Achille, au siège de Troie, fut
mortellement blessé au talon par la flèche empoisonnée du beau
Pâris, la déesse Aphrodite, en larmes, lui conseilla d'utiliser cette
plante pour calmer ses souffrances. Ainsi naquit I'achillée, souveraine
contre les blessures à I'arme blanche. De là viennent certains noms
populaires de I'espèce - achillée et sourcils (ou souris, ou sourire)
de Vénus. Les autres noms vulgaires de cette cousine de la camomille
(herbe aux coupures, herbe aux bûcherons. herbe aux charpentiers,
herbe aux militaires, saigne-nez) disent clairement I'emploi médicinal
que nos ancêtres en ont fait. Ces tendres parasols de fleurs blanches
ou rosées, sur une sorte d'escalier de feuilles bleu-vert taillées en
peignes (on dirait qu'il y en a mille...), forment pour ainsi dire le
pansement individuel à la portée du militaire en campagne. Un ancien
infirmier de la guerre de 1914-1918 m'a rapporté comment, faute de
pharmacie, il avait soigné avec de I'achillée les blessures légères de
dizaines de poilus.
Avant d'en venir à I'essentiel (aux propriétés hémostatiques du végé-
tal, c'est-à-dire à sa capacité d'arrêter le sang), je voudrais noter
quelques-unes des autres qualités que je lui ai trouvées. Elle est for-
tifiante et décongestive. Ses feuilles et ses fleurs constituent un bon
tonique des voies digestives. J'y vois en outre un antispasmodique,
un calmant du coeur et du système circulatoire (que je recommande
tout particulièrement aux personnes sujettes aux angines de poitrine
et aux douleurs du thorax). L'achillée est une herbe que j'ai utilisée
maintes fois contre les affections nerveuses rebelles et pour régulariser
le cycle des femmes mal réglées, soit à la puberté, soit à la ménopause.
C'est un dépuratif (les dartres et l'acné lui cèdent bien). C'est un
remède contre les calculs urinaires. Je la recommande particuliè-
rement en infusion, pour lutter contre les crampes d'estomac, pour
stimuler la digestion et faciliter l'évacuation des gaz de l'intestin.
Quant à I'achillée comme spécifique des blessures, son éloge n'est
plus à faire. Il est vrai qu'elle arrête 1es saignements mieux que toute
autre espèce. Il n'est pas exagéré de dire que c'est la panacée contre
les plaies, les ulcères, les contusions, les panaris, les gerçures, les cre-
vasses, les hémorroïdes et les hémorragies superficielles en général
(nasales ou autres). Ce qu'on sait moins, c'est qu'elle possède en
outre de remarquables qualités antiseptiques - tous les avantages
réunis! Avec elle, point d'infection!
C'est le mercurochrome et la teinture d'iode réunis des prés et des
champs !
. RÉCOLTE :
Cueillez les feuilles et les larges parasols fleuris de I'achil-
lée juste avant l'épanouissement complet. Vous n'aurez aucune peine
à en trouver dans toutes les prairies un peu sèches. L'espèce fleurit
du mois de mai au mois d'octobre. Vous pouvez aussi la semer au
jardin ou dans le gazon de votre verger, dans n'importe quel terrain
bien ensoleillé. C'est une herbe vivace, qui vous donnera chaque année
de beaux plants, pourvu que vous n'arrachiez jamais sa racine.
PRÉPARATION ET EMPLOI :
INFUSION :
jetez 10 à 20 pincées de fleurs et de feuilles par demi-
litre d'eau. N'en préparez qu'une petite quantité à la fois : ce breuvage
noircit et se détériore à lu lumière. ( 2 à 3 tasses par jour, comme tonique,
calmant et dépuratif. S'il s'agit de traiter une affection nerveuse, ajoutez
à l'infusion quelques feuilles de mélisse et une pincée de fleurs de camo-
mille.)
DÉCOCTION
(pour lotions, bains, lavements, etc. ; pour bains de pieds
et de mains toniques et dépuratifs ; en compresses sur les blessures, et
comme antiseptique ) : comptez une poignée de feuilles et de fleurs par
litre d'eau.
SUC FRAIS
(usage externe) : broyez toute la partie aérienne de
l'achillée, et exprimez-en le jus à travers un linge. (Pour ce remède,
comme pour ceux qui suivent, arrêtez immédiatement le traitement à
la moindre apparition de boutons ou de rougeurs autour de la zone
soignée : certains organismes supportent assez mal la plante.)
POMMADE :
mélangez intimement un poids égal de suc d'achillée et
de saindoux. (Hémostatique et antiseptique.)
L'AIGREMOINE EUPATOIRE
C'est la cousine germaine de la rose, mais c'est aussi
la moins gracieuse de la famille des rosacées. Qu'on en juge! Une
tige rougeâtre, grossière et velue; des feuilles composées également
velues et dentées, du vert le plus banal ou lavées de brun; des fleurs
jaunâtres, petites et discrètes, sans éclat, accrochées sur la tige en
longs épis diffus qui ressemblent à des queues de vaches; enfin des
graines hérissées de petits crochets, qui adhèrent tenacement aux
poils des animaux ou aux vêtements des promeneurs...
Cependant, il en va des plantes comme des hommes; les plus esti-
mables vertus ne sont pas toujours le fait des êtres les plus beaux.
Quoi qu'il en soit, les populations historiques ramassaient déjà les
fruits de l'aigremoine eupatoire pour se guérir (on en a trouvé de
nombreux restes près des cités lacustres). En Égypte, selon un papyrus
qui date de vingt-six siècles avant notre ère, on l'utilisait pour le
traitement des yeux malades. Et c'est, un peu plus tard, le roi-médecin
de Pont,, Mithridate Eupator, qui lui donna son deuxième nom...
Le Grec Dioscoride recommandait l'espèce comme purgatif uni-
versel. Un autre médecin de I'Antiquité l'indiquait en emplâtre contre
les plaies de guerre. Sainte Hildegarde, très savante femme du Moyen
Age, y voyait le spécifique de la fièvre et de l'amnésie. Et Boerhaave,
botaniste hollandais du xviiie siècle, la prescrivait en gargarismes
contre les bronchites et les angines.
J'ai, pour ma part, très souvent expérimenté les vertus de la plante.
C'est un diurétique léger, utile en cas de coliques néphrétiques et de
maux de reins. C'est aussi un honnête médicament contre les plaies :
elle soigne les coupures, les ulcères et les inflammations. C'est encore
un bon vermifuge et un remarquable défatigant général . Mais
d'abord et avant tout, j'y vois l'herbe-miracle (si tant est qu'on puisse
parler de < miracles ) avec nos bonnes plantes) contre les affections
de la bouche et de la gorge, contre les aphtes, les angines et les ulcéra-
tions du palais ou de la langue. Un chanteur fort connu vint un jour
me consulter, effondré : il sentait qu'il perdait sa voix, sa gorge le
faisait cruellement souffrir dès le troisième air du spectacle, aucune
médication pharmaceutique n'y faisait plus rien... Je lui ordonnai
une dizaine de gargarismes quotidiens à I'eupatoire (traitement
d'attaque), ce chiffre devant être ramené à quatre ou cinq au bout
de quinze jours (traitement d'entretien) : mon homme n,a jamais
fait d'aussi belles vocalises, et c'est avec beaucoup d,amusement que
j'ai vu, un soir, ma recette affichée dans la coulise de certain music-
hall...
RÉCOLTE :
L'aigremoine eupatoire fréquente tous les terrains,
mais surtout ceux qui sont riches en argile - les pâturages maigres,
les clairières au soleil, les talus... cueillez-en les fleurs et les feuilles
en été, et faites-les sécher à I'ombre, dans un endroit bien aéré.
PRÉPARATION ET EMPLOI :
INFUSION OU DÉCOCTION
(diurétique, vermifuge et défatigante) : comptez
une demi poignée de fleurs et de feuilles par litre d'eau. (3 à 5 tasses
par jour. L'infusion, très odorante, couleur de vin clairet, est très appré-
ciée dans certaines contrées septentrionales, où on la déguste pour
remplacer Ie thé : de là viennent les surnoms de thé du Nord et de thé
des bois que l'on donne parfois à l'aigremoine. La décoction peut égale-
ment s'employer en usage externe, pour soigner les blessures.)
VIN
pour laver et panser les plaies infectées : jetez 4 poignées
de plante sèche dans un litre de vin rouge ; faites bouillir 5 minutes ;
laissez reposer une heure.
GARGARISMES :
jetez 2 poignées de feuilles sèches dans un litre d'eau;
faites bouillir jusqu'à réduction d'un tiers; ajoutez 50 g de miel, et,
si possible, une poignée de tilleul et une poignée de sauge. (plusieurs
fois par jour, contre les angines, Ies aphtes, les pharyngites.)
BAINS DE MAINS ET DE PIEDS :
jetez deux poignées de fleurs et de feuilles sèches dans
une cuvette d'eau très chaude. Prenez le bain immédiatement, ou laissez
reposer 12 heures, et ne le prenez qu'ensuite. (Notamment contre les
migraines. )
L'AIL
L'ail, à mes yeux, est synonyme de vitalité. Je ne sais
s'il est plus précieux à mon coeur de Gascon ou à mon art de phyto-
thérapeute. Mais quand je le vois pousser au jardin, je suis sûr que la
santé et la joie sont les hôtes de la maison. Cet amour, je le dois pro-
bablement au fait d'avoir été, comme tous mes compatriotes, baptisé
avec une gousse d'ail sur les lèvres...
Mon père aimait à répéter qu'il ne devrait pas y avoir de journée sans
ail; c'était à ses yeux un aliment aussi capital que le pain même. Il
ne cessait de louer la coutume qui veut que, dans le Midi, l'on confec-
tionne aux enfants un quatre-heures, un chapon , avec un croûton
frotté d'ail et d'huile d'olive. Ah! ces chapons de ma grand-mère
Sophie! Je les ai encore sur la langue...
L'ail est le cousin du lis et du muguet. Ce sénateur du potager en
habit vert, à tête florale chevelue et à bulbe de rose ou d'albâtre, est
probablement originaire de l'Asie centrale - là o les hommes
vivent plus vieux qu'ailleurs, où les vieillards sont plus chenus, et
où, curieusement, le pourcentage des affections cancéreuses est le
plus bas du monde.
Il a depuis fort longtemps conquis l'Égypte : les pharaons en don-
naient chaque jour aux esclaves constructeurs de pyramides; à cette
époque, on en faisait aussi des colliers aux enfants pour les protéger
des parasites, et on utilisait la plante pour tester la fécondité
des femmes...
Les Grecs en faisaient également une énorme consommation, même
s'ils l'appelaient rose puante; le dieu Hermès, selon I'Odyssée,
recommanda l'ail à Ulysse contre les enchantements de Ia magicienne
Circé, qui transformait les hommes en pourceaux. Les athlètes anti-
ques, aux jeux Olympiques, en croquaient traditionnellement une
gousse avant I'effort; le grand médecin de l'époque, Galien, en faisait
la panacée des paysans; son confrère Dioscoride y voyait un tonique,
un diurétique, un vermifuge, en antidote contre les poisons, enfin
un remède contre I'asthme, la jaunisse, les maux de dents et les érup-
tions de la peau.
Au Moyen Age, on ajouta à cette liste d'indications les fièvres, la
surdité, les crachements de sang, etc., après que Charlemagne eut
recommandé la culture de l'ail dans ses célèbres Capitulaires. Le bon
roi Henri IV, on le sait, fut baptisé comme tous les enfants de Gas-
cogne et du Béarn : on lui frotta la langue avec une gousse d'ail, et
on lui fit boire quelques gouttes de jurançon (ou d'armagnac : c'est
le seul point contesté de I'affaire); le Vert-Galant ne manquait jamais,
en prévision de ses conquêtes féminines, de croquer une gousse chaque
matin au réveil. Je me souviens d'un célèbre coureur de jupons de
Gavarret, officier de cavalerie de son état, qui puait I'ail à dix mètres
à la ronde, et qui s'était taillé une réputation inégalable auprès des
dames du pays...
Je ne signale que pour mémoire le fait qu'on donne de l'ail aux coqs
de combat, du Mexique aux Philippines et aux Antilles. J'ai rapporté
dans C'est la nature qui a raison, I'anecdote de ce sorcier antillais,
dont les gallinacés remportaient toutes les batailles parce qu'ils étaient
nourris moitié grain, moitié ail...
Beaucoup plus sérieuses sont les deux nouvelles propriétés que la
médecine a découvertes à mon végétal favori : il combat le diabète
et abaisse la tension artérielle. Mais si j'avais à décortiquer par le
menu les multiples vertus de mes chères gousses, je procéderais de la
façon suivante.
Premièrement, c'est un antibiotique et un antiseptique général. Un
célèbre savant de mes amis m'a confirmé que les vapeurs d'ail éli-
minent activement les microbes dangereux. Je me souviens fort bien
que, dans mon pays, I'usage était d'écraser des gousses dans chaque
pièce de la maison à la moindre rumeur d'épidémie : encore une
preuve de la sagesse populaire...
Deuxièmement, c'est un régulateur de la flore intestinale. De même
que les rapaces maintiennent en équilibre les populations de rongeurs
nuisibles dans les campagnes, de même I'ail s'oppose à la prolifération
dans notre tube digestif, de certaines bactéries dangereuses. c'est
pourquoi je le recommande dans la plupart des cas de diarrhées, de
dysenteries, de crampes d'estomac, de lourdeurs, de ballonnements, etc.
Troisièmement, c'est un vermifuge extraordinaire - actif contrq tous
les vers, aussi bien les ascarides et les dangereux oxyures que les vers
solitaires. De ce point de vue, rien n'est meilleur, pour les enfants,
que le < chapon > cher à ma grand-mère...
Quatrièmement, c'est un incomparable stimulant de l'organisme et
un régulateur des fonctions essentielles. Les troubles du foie et des
glandes endocrines (thyroide, surrénales, etc.), la goutte' la sciatique'
les vertiges, les bourdonnements d'oreilles, les bouffées de chaleur,
etc., autant d'indications pour 1ui.
Cinquièmement, c'est un anti diabétique : il régularise le taux du
glucose dans le sang. Toutes les personnes nées dans des familles
< à haut risque >, tous les obèses aussi, ont intérêt à en faire le plus
large usage.
Sixièmement, c'est probablement un préventif des tumeurs cancé-
reuses, notamment celles du tube digestif, dans la mesure où il pré-
vient la constipation (donc I'auto-intoxication), et où il stimule la
sécrétion des sucs de I'estomac tout en désinfectant l'intestin.
Septièmement, enfin, c'est le premier ami du système circulatoire.
Non seulement, il abaisse la tension (l'hypertension, principale res-
ponsable des infarctus et des congestions cérébrales, constitue l'un
des fléaux de notre temps), mais encore il assouplit les vaisseaux san-
guins (contre I'artériosclérose), il régularise le taux de cholestérol, il
favorise le travail des globules rouges transporteurs d'oxygène, et
il combat I'empoisonnement par la nicotine (avis aux gros fumeurs!)
ou les polluants modernes (avis aux citadins!).
RÉCOLTE, :
Partout où j'ai trouvé I'ail, j'ai trouvé la santé, et par-
tout où j'ai trouvé la santé, j'ai trouvé I'ail...
Toutes les parties du végétal sont actives, mais principalement les
gousses : elles vous suffiront largement. Si vous ne cultivez pas vous-
même la plante au jardin, veillez à n'acheter que des produits garantis
biologiques, sans engrais industriels, sans pesticides. Défiez-vous
des emballages modernes, où les gousses sont aspergées de conser-
vateurs chimiques qui vous feront plus de mal que la plante ne vous
fera de bien...
J'espère que votre potager regorge d'ail. Ce légume (mais il est
bien davantage) n'aime pas les fumures fraîches : fumez votre terre
six mois auparavant; plantez les gousses en octobre-novembre, à
3 cm de profondeur, et à l0 cm les unes des autres. Après la récolte,
nettoyez les têtes et faites les sécher en les suspendant, à I'ombre.
Mangez de I'ail de toutes les façons possibles, avec de la salade, la
sauce (ailloli...), dans de la soupe (la fameuse ( soupe aux enfants >
du Midi est à base d'ail bouilli), etc.
PRÉPARATION ET EMPLOI :
EN GOÛTER
pour les enfants ( comme vermifuge ) : frottez abondam-
ment un croûton de pain avec de l'ail, et ajoutez-y un peu d'huile d'olive,
DÉCOCTION DE GOUSSES :
comptez une tête de plante par litre d'eau ou de bouillon
(contre l'hypertension et les malaises qui en découlent, pour stimuler
la circulation, pour lutter contre la goutte, et l'arthrite, comme anti-
septique pulmonaire et intestinal ; 3 tasses par jour ).
TEINTURE
contre l'hypertension : laissez macérer 48 heures une
gousse d'ail dans un petit verre d'alcool. (20 gouttes par jour, dans
une infusion d'angélique, de sauge ou de mélisse.)
SIROP
contre I'hypertension : mélangez deux têtes d'ail râpe
à un verre d'eau et 100 g de sucre. (2 cuillerées à soupe par jour.)
VIN :
vermifuge, tonique et contre la fièvre : comptez une tête
d'ail et 10 pincées de feuilles d'absinthe par litre de vin chaud. (2 verres
par jour, à condition de s'abstenir de tout autre alcool. Ne pas admi-
nistrer aux enfants.)
SUC
antiseptique : exprimez le jus de l'ail réduit en bouillie
à travers un linge fin ; ajoutez-y 10 volumes d'eau distillée et un volume
d'alcool à 90 o. (En applications externes.)
BAUME :
écrasez 2 gousses d'ail dans 3 cuillerées à soupe d'huile.
(En applications externes, sur le ventre contre les vers et les troubles
digestifs, sur Ia colonne vertébrale contre les vertiges, sous la plante
des pieds contre I'hypertension.)
LIQUEUR :
dans une bouteille d'un litre, mettez 1/3 d'ail pilé et
2/3 d'alcool; laissez 15 jours en plein soleil; passez. (En cure tonique
périodique : 2 gouttes le premier jour, 4 le deuxième, 6 le troisième ;
et ainsi de suite jusqu'à 24, avant de revenir progressivement à 2.)
INFUSION COMPOSÉE
contre Ie cholestérol : jetez 3 gousses d'ail, 2 pincées de
cerfeuil, 1 pincée de lavande et 3 pincées de sauge dans un litre d'eau.
(3 tasses par jour.)
CATAPLASMES
contre les cors aux pieds et les verrues : pilez une gousse
d'ail et appliquez-la directement sur la partie à traiter, en protégeant
Ia peau saine alentour avec un sparadrap. Les résultats sont concluants
en moins de quinze jours.
VINAIGRE D'AIL
(en applications externes, pour désinfecter les plaies et
les ulcères) : faites macérer pendant l0 jours 3 gousses d'ail râpées
dans un demi-litre de vinaigre.
BAINS DE PIEDS ET DE MAINS
(contre les allergies, I'asthme, l'acné gastrique et intes-
tinal, l'hypertension et les malaises qui en découlent) : comptez 3 têtes
d'ail par litre d'eau. (2 bains tiède,s par .jour.)
FRICTIONS
d'ail sur le bas de la colonne vertébrale :
contre l'impuissance.
En règle générale, pour bien vous porter, consommez au
moins une gousse d'ail par semaine, et n'oubliez pas que, tout compte
fait, la façon la plus agréable et la plus naturelle de consommer l'ail,
c'est dans la cuisine, à condition d'en aimer le goût.
NOTA :
Le principal inconvénient de I'ail, c'est son odeur désa-
gréable (il s'élimine par les poumons, d'où l'haleine caractéristique de
ceux qui en ont mangé). Cette odeur (peu favorable à la vie sociale!)
peut être masquée de diverses façons : par quelques gouttes d'essence
d'angélique, en mâchant du cerfeuil ou du persil, en déglutissant lente-
ment une pomme râpée et quelques cuillerées de miel, ou encore en
croquant quelques grains de café après le repas.
L'ALCHÉMILLE
Rien n'est joli comme la feuille palmée de l'alchémille
commune : sur les dents délicates de son pourtour, naissent des perles
(dues non pas à la rosée, mais à la transpiration du végétal), perles
si pures, si semblables à des joyaux, si immatérielles presque, que les
alchimistes du Moyen Age les recueillaient sous le nom d' eau céleste,
et les utilisaient dans leur recherche de la pierre philosophale. De là
vient le nom commun de I'alchémille - l'herbe des alchimistes *,
qu'on appelle encore pied de lion, manteau de Notre-Dame, mantelet
des dames, soubeirette, porte-rosée, ou patte de lapin... Les fleurs de
l'espèce, petites et vert pâle, n'ont pas de pétales.
La plante la plus chère aux alchimistes ne pouvait pas ne pas avoir
mille vertus curatives : mon père m'a souvent dit que dans sa jeunesse
il avait rencontré un vieil homme un peu soupçonné de magie, qui
faisait de l'alchémille le premier des médicaments. Je n'irai pas jus-
que-là, et mon père n'y allait pas davantage. Mais l'alchémille, et
d'abord sa racine, peut rendre de remarquables services contre les
saignements et les embarras intestinaux, comme tonique, comme
diurétique, et comme amie de l'estomac. Les femmes surtout y trou-
veront le remède à leurs nombreux troubles, des pertes blanches aux
douleurs utérines, aux vertiges de la grossesse et aux lésions qu'occa-
sionne parfois I'accouchement. En infusion, l'espèce aide à vaincre
la rétention d'eau et l'obésité (encore une propriété précieuse pour
les dames), et améliore l'évolution des diabètes. En décoction, en
bains pour I'usage externe, elle agit comme cicatrisant des plaies,
comme anti-inflammatoire, contre la conjonctivite et contre les infec-
tions superficielles de I'appareil génital.
RÉCOLTE :
L'alchémille fréquente tous les pâturages humides, de
la plaine à la haute montagne, et fleurit entre mai et octobre. Cueillez
les parties aériennes de la plante le matin, par temps sec, juste avant
la floraison, et arrachez la racine en septembre-octobre. Faites sécher
à I'ombre.
PRÉPARATION ET EMPLOI :
INFUSION
(usage interne, comme tonique, diurétique, pour décon-
gestionner Ie foie, etc. ) : jetez, p(r tasse de breuvage, 3 pincées d'alché-
mille séchée (ou de racines râpées), et laissez l0 minutes. (3 tasses
par jour, entre les repas.)
Autre infusion notamment destinée aux femmes mal
réglées et aux obèses : jetez une poignée d'alchémille entière séchée
dans un litre d'eau bouillante. (3 tasses par jour, entre les repas.)
CATAPLASMES
d'alchémille fraîche, pour arrêter Ie sang et cicatriser
les plaies : à renouveler toutes les 10 minutes, au début.
DÉCOCTIONS
(usage externe, contre les plaies, les inflammations, Ies
infections superficielles) : comptez deux poignées d'alchémille séchée
par litre d'eau.
pour les yeux (conjonctivite) : comptez 50 g de plante
sèche par litre d'eau.
BAINS DE MAINS ET DE PIEDS, DOUCHES VAGINALES :
mêmes proportions que précédemment.
L'AMANDIER
L'amande me paraît avoir toute la douceur du monde :
rien n'est meilleur que son huile contre les irritations, les brûlures...
et pour les fesses de bébé!
L'amandier est originaire de l'Asie centrale, et on le cultive depuis
plus de trente-cinq siècles en Perse et en Chine. En I'an 700, la France
ne le connaissait pas encore; certaines régions ne le connaîtront
d'ailleurs jamais, car il ne mûrit ses fruits que sous le chaud soleil
des régions méridionales. Il en existe deux variétés, I'une à amandes
douces, l'autre à amandes amères, mais pour les botanistes, c'est de
la même espèce qu'il s'agit.
Avant d'en venir aux deux sortes d'amandes, je voudrais dire un mot
des fleurs : ces admirables rosettes rose pâle, dont l'épanouissement
enchante des régions entières, et que les maîtres de I'estampe chinoise
ont si souvent prises pour modèles, ont une incontestable vertu pur-
gative et vermifuge. Je me souviens fort bien que lorsque nous étions
embarrassés de parasites, ma grand-mère Sophie nous en préparait
souvent une infusion, qu'elle renouvelait de 2 heures en 2 heures,
jusqu'à ce que les hôtes indésirables de nos intestins aient été expulsés...
Les amandes amères, parce qu'elles contiennent de l'acide prussique
(ou acide cyanhydrique), constituent un poison violent, et j'interdis
formellement d'essayer de les utiliser par voie buccale En applica-
tions externes, c'est-à-dire en cataplasmes et en bains, leur pulpe
calme la douleur, notamment la migraine, les coliques néphrétiques
et hépatiques, les rhumatismes, 1es aigreurs d'estomac et les douleurs
ressenties sur le trajet des nerfs. La pâte faite avec ces fruits constitue
un bon savon pour ceux qui ont la peau délicate, et un excellent déo-
dorant naturel, cent fois préférable à tous les aérosols chimiques qui
nous empoisonnent tous les jours un peu plus.
De I'amandier à fruits doux, on utilise les fruits (coque et amande),
les feuilles et l'écorce. Les feuilles et les coques stimulent les fonctions
du foie et calment la toux. L'écorce, outre ces deux propriétés, est
encore vermifuge, fébrifuge et diurétique.
L'amande douce, quant à elle, si délicieuse et si nutritive au dessert,
en gâteaux, dans les pralines, le nougat, etc., convient mal aux esto-
macs fragiles : mais ceux qui sont solides de ce côté-là y trouveront
un véritable concentré d'énergie. Pour le reste, ce fruit sert à confec-
tionner le sirop d'amandes (vulgairement nommé sirop d'orgeat
- auquel je n'ai pas trouvé de vertu particulière), et l'huile d'amandes
douces. Cette dernière s'achète en pharmacie : c'est un liquide jaune
pâle, à saveur agréable, qui adoucit toutes les irritations du système
digestif (de la bouche au gros intestin), qui combat assez bien la bron-
chite et les ennuis de l'appareil urinaire, et que je recommande tout
spécialement comme vermifuge aux enfants, dans une décoction de
fleurs de guimauve et de coquelicot, avec un peu de miel et de jaune
d'oeuf. En usage externe, l'huile d'amandes douces est précieuse contre
les démangeaisons, les brûlures, les érysipèles et les inflammations
superficielles.
RÉCOLTE :
(amande douce uniquement) :
Si vous habitez une région où pousse l'amandier, cueillez ses fleurs
en boutons (mars-avril), ses feuilles à la même époque, et récoltez
son écorce et ses fruits à la maturité de ces derniers. Sinon, achetez
fleurs, feuilles et coques dans une bonne herboristerie, et procurez-
vous les amandes les plus fraîches que vous puissiez trouver; défiez-
vous des conditionnements modernes (sachets de plastique, em-
ballages sous vide...) si pratiques, mais si peu sains...
PRÉPARATION ET EMPLOI
(amande douce uniquement )
INFUSION DE FLEURS :
pour chaque tasse de breuvage, jetez 2 à 3 pincées de
fleurs sèches dans de l'eau bouillante. (Vermifuge : renouvelez la dose
jusqu'à expulsion complète des parasites, mais de 2 heures en 2 heures
seulement. )
TISANE DE COQUES :
concassez une poignée de coques et faites-les bouillir
pendant une heure. (2 tasses par jour.)
DÉCOCTIONS
de feuilles : jetez une poignée de feuilles fraîches ou
sèches par litre d',eau;n'abusez pas de ce type de médication. (Une tasse
par jour.)
d'écorce : servez-vous, pour cette préparation, de la
seconde écorce de l'arbre ; pilez-en 20 à 30 pincées par litre d'eau.(Une
tasse par jour.)
BAINS DE PIEDS ET DE MAINS :
comptez une poignée de feuilles et de fleurs, ainsi que
20 pincées de coques et d'écorce pilées, pour une cuvette d'eau très
chaude. ( Diurétique, calmant de Ia toux, efficace contre la fièvre et
Ies malaises hépatiques. 2 bains par jour.)
LAIT D’AMANDES :
pilez une petite poignée d'amandes douces avec autant
de sucre, et délayez Ie mélange dans un litre d'eau distillée; buvez le
tout avec du sirop de violette (contre les affections respiratoires), ou
avec une décoction de laitue (contre la fièvre).
L'ANGÉLIQUE ARCHANGÉLIQUE
J'aime à dire, tant elle a de vertus, que si cette espèce
était exotique, on l'importerait au poids de 1'or : mais on méprise
toujours ce qu'on a sous la main; et de même que la tendance de la
médecine officielle est de demander à la chimie toujours plus de subs-
tances barbares, de même le péché mignon des adeptes des simples
est-il de chercher le plus loin possible leurs remèdes naturels. Mon
père, âme simple et droite, m'a heureusement prémuni contre cette
façon de concevoir la guérison par les herbes. Je sais, parce qu'il me
les a montrés et parce que je les ai expérimentés, que les végétaux de
santé sont légion sur notre beau terroir.
L'angélique est digne de ses surnoms populaires d'herbe des anges
et d'herbe (ou racine) du Saint-Esprit. C'est une grande plante à
fleurs blanc verdâtre ou blanc jaunâtre, haute de plus de 2 m, à vastes
feuilles trois fois divisées, et qui meurt au bout de 2 à 4 ans, sitôt après
avoir fleuri pour la première fois. Je résumerai ses propriétés par
une anecdote : j'ai entendu parler, dans le village de mon enfance,
d'un homme mort à plus de 120 ans, et qui attribuait son exceptionnelle
longévité à I'habitude qu'il avait de mâcher de la racine d'angélique
en guise de chique de tabac...
L'angélique, à l'arôme suave, est dans toutes ses parties tonique,
stimulante, dépurative et sudorifique; elle calme les règles doulou-
reuses et les maux d'estomac, active toutes les sécrétions, combat
l'aérophagie et les vomissements spasmodiques, s'oppose aux vertiges
et aux migraines, fortifie les muqueuses des bronches et des poumons,
enfin favorise l'élasticité des muscles et I'action du coeur; c'est pour-
quoi je la recommande tout particulièrement aux sportifs en < baisse
de forme >. J'ai plus d'une fois utilisé les feuilles fraîches de cette
herbe-miracle pour hâter la cicatrisation des plaies, et la décoction
de ses racines pour reconstituer des tissus atteints. Les bains de pieds,
de mains ou même complets, donnent les meilleurs résultats lorsqu'il
s'agit de combattre des rhumatismes, lorsqu'il faut calmer des nerfs
en pelote, ou lorsque l'organisme a besoin d'un tonique général pour
surmonter quelque épreuve difficile. Ainsi j'incite les écoliers candi-
dats aux examens, les athlètes à la veille d'un concours, les convales-
cents, les travailleurs de force au soir d'une journée pénible, à utiliser
cette plante. Mais attention.' les sucs de I'angélique sont extraordinaire-
ment actifs, et, si I'on en abuse,'peuvent être à l'origine de très désa-
gréables inflammations de la peau. Les bains ne devront jamais
dépasser 3 minutes, et les yeux devront être soigneusement préservés
de tout contact avec la plante ou avec le liquide dans lequel elle a
séjourné.
RÉCOLTE :
L'angélique fleurit de juin à août : cueillez ses feuilles
et ses fleurs juste avant l'épanouissement complet; n'oubliez pas de
ramasser ses graines en septembre; arrachez sa racine à la fin de
I'automne; vous pouvez aussi repérer un pied d'angélique en été, et
attendre le printemps suivant pour y prélever de jeunes pousses.
L'espèce croît spontanément dans les pays nordiques, sur les versants
des Alpes et des Pyrénées, ainsi que le long des cours d'eau qui des-
cendent de ces montagnes. L'angélique que I'on rencontre un peu
partout en France, dans les prairies humides, les bois, les lieux ombra-
gés, est une autre espèce, l'angélique des bois, moins parfumée et
moins riche en principes actifs.
PRÉPARATION ET EMPLOI :
INFUSION ET DÉCOCTION
(fatigue générale, aérophagie, ballonnements, vomisse
ments, asthme nerveux, migraines, règles douloureuses) : jetez l0 ù
20 pincées de racines râpées ou de jeunes pousses fraîches dans un litre
d'eau. (Une tasse par jour.) L'infusion et la décoction de graines sont
plus vigoureuses dans leur,s effets : ne dépassez pas 5 pincées par litre.
(Une tasse par jour.)
VIN
d'angélique (fortifiant et digestif ): jetez une poignée
de racines ou de semences mélangées de feuilles hachées dans un litre
de vin rouge, et laissez macérer dans un endroit tiède pendant 48 heures.
(Un verre à liqueur par jour avant le repas principal.)
BAINS DE PIEDS, DE MAINS OU COMPLETS
(rhumatismes) : jetez une poignée de racines (ou de
graines additionnées de feuilles) pour 20 litres d'eau. (Un bain par
jour, n'excédant pas 3 minutes.)
L'ANIS VERT
L'anis me paraît être l'un des meilleurs amis de I'appareil
digestif. Je ne serai pas contredit sur ce point par tous ceux qui en
usent comme apéritif. Encore faut-il ne pas se tromper sur la mar-
chandise. On appelle anis au moins trois espèces végétales très diffé-
rentes : la badiane ou anis étoilé, plante à n'utiliser qu'avec prudence,
originaire de Chine; le carvi ou anis des Vosges; et I'anis vert, qui est
un boucage et appartient à la même famille botanique que la carotte
(ombellifères). C'est celui-ci que j'emploie exclusivement.
On le baptise encore boucage à fruits suaves, pimpinelle anis, anis
boucage, petit anis, anis officinal ou anis d'Europe. Il est proba-
blement né en Orient, et il n'existe en Europe - malgré I'un de ses
noms vulgaires - qu'à l'état cultivé. Sa tige striée porte différentes
sortes de feuilles, celles de la base, arrondies et entières, les suivantes
à trois divisions en coeur, les suivantes encore à 3 ou 5 divisions
étroites; et les dernières sont plusieurs fois redécoupées en fines
lanières. Ses fleurs blanc jaunâtre, groupées en bouquets (ombelles)
lâches, donnent des fruits en forme de petits oeufs, à deux < grains l
velus. Ce dernier caractère est fort important : il permet, avec le
parfum typique qu'exhale toute I'espèce, de ne pas la confondre avec
la redoutable ciguë qui lit mourir Socrate.
L'anis est une plante familière de I'ancienne médecine chinoise et
indienne. En Europe, il est mentionné dès le vii e siècle, et Albert
le Grand le recommande au xiii e. A I'heure actuelle, on en distingue
plusieurs variétés : l'anis de Touraine, très vert et très doux; I'anis
russe, noirâtre; I'anis d'Albi, blanchâtre; et l'anis d'Espagne, de
teinte cendrée - le plus réputé de tous.
Les fruits de l'anis vert stimulent l'ensemble des fonctions du corps,
activent les sécrétions, soutiennent la pompe cardiaque, amplifient
les échanges respiratoires, renforcent les défenses de l'organisme
contre l'infection, et accroissent le rendement des cellules nerveuses -
donc du cerveau et de la moelle épinière. Mais I'essence de ces mêmes
fruits, isolée, est un véritable stupéfiant : or c'est elle qui est employée
à la confection des apéritifs anisés du commerce : prudence, donc,
sur les petits verres de onze heures-midi et de six heures-sept heures
du soir...
Je recommande surtout I'usage de I'anis chaque fois qu'il s'agit de
stimuler I'appareil digestif et d'éviter les troubles dus aux digestions
difficiles (migraines, vertiges, coliques venteuses) et cela à condition
qu'il n'y ait pas d'irritation de la bouche, de l'oesophage et de l'in-
testin. La plante fait également merveille contre la toux, l'asthme,
les bronchites et la mauvaise circulation du sang. Je l'ai donnée avec
succès, en bains locaux, à des femmes qui souffraient de règles dou-
loureuses, et à d'autres qui voulaient nourrir leur enfant au sein
et qui manquaient de lait.
RÉCOLTE :
Vous ne trouverez pas d'anis vert dans la nature,
mais vous pouvez fort bien le cultiver au jardin, pourvu que vous
habitiez une région où de grands écarts de températures ne sont pas
trop à craindre. Choisissez un terrain léger, chaud, perméable et
exposé au Sud. Semez en ligne, après les dernières gelées. Récoltez
les amas de fruits en août-septembre, lorsqu'ils viennent juste de bru-
nir. Opérez à la rosée du matin pour éviter qu'ils ne s'égrènent pré-
maturément. Faites les sécher au soleil ou à l'ombre. Battez les, et
conservez-les dans un endroit sec.
PRÉPARATION ET EMPLOI :
INFUSION ET DÉCOCTION :
comptez 5 à 10 pincées de fruits d'anis vert par litre
d'eau. (Une à 2 tasses par jour, comme stimulant, contre les digestions
difficiles et les règles douloureuses.)
POUDRE :
pilez très finement, avant Ie repas principal, 2 à 3 pincées
de grains d'anis, que vous avalerez avec du miel, du sucre, de l'eau
ou une tisane quelconque. (Une seule dose par jour,)
DÉCOCTION
pour l'usage externe (notamment en compresses sur
les seins pour les désengorger et provoquer l'afflux de lait) : comptez
15 à 20 pincées de fruits par litre d'eau.
BAINS DE MAINS ET DE PIEDS :
comptez une cuillerée à soupe de grains par litre d'eau.
AUTRES USAGES :
tout en évitant les liqueurs et les apéritifs anisés, vous
pouvez très bien faire une cure agréable d'anis en en incorporant des
grains à vos pâtisseries, à vos confitures, etc. Il existe, dans les bonnes
herboristeries, des pastilles d'anis qui, tout en parfumant la bouche,
favorisent la digestion.
INFUSION COMPLEXE
pour tous ceux qui ont des digestions difficiles ou des
ballonnements : 2 pincées d'anis vert, 2 pincées de fenouil, 2 pincées
de sauge et 2 pincées de menthe par litre d'eau.
POUR LA BEAUTÉ :
contre la peau grasse, buvez en alternance
- un soir une tisane d’anis (à 2 pincées par tasse)
- le lendemain une tisane composée ainsi : une pincée de fleurs
d'oranger, une pincée de tilleul, une pincée de romarin.
L'ARNICA
Il n'y a pas d'arnica à Gavarret. C'est dans les montagnes
des Pyrénées, chères au coeur de Charles Trenet, qu'enfant, j'allais
de temps à autre en récolter assez pour soigner les coups que nous
ne manquions pas de nous infliger dans nos jeux d'enfants...
La foule des noms vulgaires de cette grande marguerite jaune
orangé des montagnes, aux feuilles toutes disposées en rosette à
la base (sauf deux, opposées, au beau milieu de la tige), est à elle
seule assez éloquente. On I'appelle arnique, doronic des Vosges
ou d'Allemagne, bétoine des montagnes ou des Vosges, herbe aux
pécheurs, tabac des Savoyards (ou des Capucins, ou des Vosges,
ou des Alpes), quinquina des pauvres, souci des montagnes (ou des
Vosges, ou des Alpes), herbe à éternuer et, par-dessus tout, panacée
des chutes. Ses propriétés sont fort nombreuses : l'arnica stimule aussi
bien le système nerveux que les appareils digestif, respiratoire et
circulatoire. L'espèce est apéritive et diurétique, purgative et propre
à combattre la fièvre; elle débarrasse les bronches des glaires qui
les encombrent; elle favorise le bon déroulement des règles; elle est
dotée d'une incontestable action contre la goutte et la dysenterie;
.j'ai pu vérifier ses qualités dans des cas de coqueluche, de pneumonie
et d'angine de poitrine.
Mais I'arnica - la panacée des chutes -, est le remède universel
des chocs et des chutes : en applications externes, l'espèce reConstitue
les tissus et fait disparaître mieux que tout autre médicament les
amas de sang (parfois de pus) qui accompagnent ecchymoses, contu-
sions, foulures et entorses. J'en ai employé la teinture avec succès
pas seulement contre les coups, mais encore contre les blessures
vives et les furoncles. Il lui arrive de faire merveille dans des cas
d'acné rebelle à tout traitement.
RÉCOLTE :
L'arnica ne se trouve que dans les prairies de montagne,
en terrain acide; elle fleurit de juin à août. Cueillez-en les < fleurs >
(pour les botanistes, il s'agit de capitules, c'est-à-dire de groupes
de fleurs) avant l'épanouissement, mais n'oubliez pas d'en ramasser
soigneusement les feuilles, et d'en arracher quelques racines. Toute
la plante sèche admirablement bien et se conserve de longs mois à
l'ombre.
PRÉPARATION ET EMPLOI :
En usage interne, il faut employer l'arnica avec pré-
caution, car elle peut provoquer des étourdissements, des tremblements
et des secousses nerveuses
INFUSION ET DECOCTION
- de fleurs : e dépassez pas 10 pincées de fleurs fraîches par litre d’eau ; 5 sont suffisantes
- Les fleurs èches sont moins actives :
Allez jusqu'à l5 pincées. Filtrez soigneusement votre préparation,
de façon qu'il n'y reste aucune des aigrettes de la plante, ce qui
irriterait la gorge du buveur. (Une petite tasse par jour, comme stimu-
lant, diurétique, apéritif et conte la fièvre.)
* de feuilles : ne dépassez pas 15 pincées de feuilles
sèches par litre d'eau. (Une tasse par jour.)
* de racines : ne dépassez pas 5 pincées de racines hachées
par litre d'eau. (Une tasse par jour.)
TEINTURE DE FLEURS SÈCUES
(contre la goutte, la coqueluche, la pneumonie, l'an-
gine de poitrine) : faites macérer pendant deux semaines 10 pincées
de fleurs sèches dons un verre d'alcool à 90 o ; n'employez pas autrement
cette teinture qu'en gouttes dans une tisane douce. (Une goutte le pre-
mier jour, 2 le second, et ainsi de suite jusqu'à 7, avant de revenir pro-
gressivement à 1. )
TEINTURE DILUÉE
pour usage externe ( traumatismes, bleus, coups, blessures,
etc.) : préparez la teinture de la même façon que précédemment, puis
délayez la dans au moins trois fois (mais mieux vaut dix fois) son
volume d'eau. Vous pouvez préparer vos teintures avec la plante entière :
même, proportions - et mêmes précautions.
L'ARTICHAUT
Je ne vous ferai pas l’injure de vous présenter en détail
cet énorme cousin du chardon et de la marguerite (il appartient
aussi à la famille des composées). De cet aristocratique personnage
végétal, vous ne mangez guère que le < fond > et le bas des<feuilles>
c'est-à-dire le réceptacle qui porte les fleurs - les < poils > - et les
fausses feuilles ou bractées qui les entourent.
Moi, de I'artichaut, j'utilise tout. L'artichaut commun, dont les maraî-
chers ont aujourd'hui sélectionné des dizaines de variétés différentes,
est très probablement issu du cardon sauvage. Les anciens Égyptiens
en ont inauguré la culture, et c'est grâce aux Arabes que l'Espagne
et- I'italie d'abord (au xv e siècle), puis la France et I'Angleterre
au xvi e , ont dû le connaître
Du végétal, la partie la moins active est, hélas, constituée par ce
que l'on mange- Le reste est incroyablement amer, exceptionnellement
apte aussi à provoquer la sécrétion de la bile et l'élimination de l'urée.
L'artichaut est à indiquer en priorité dans tous les cas d'insuffisance
hépatique ou rénale, de coliques hépatiques ou néphrétiques, de jau-
nisse, de goutte, d'obésité, d'urticaire, de rhumatismes, d'asthme et
l'eczéma. C'est en outre un ami de la circulation, dans la mesure où
il prévient la plupart des troubles dus au cholestérol : durcissement
des artères, angine de poitrine,- infarctus, congestion cérébrale...
RÉCOLTE :
Si les températures hivernales de votre région ne des-
cendent pas en hiver en dessous de –10 o C., alors n'hésitez pas à
planter I'artichaut au jardin - au potager ou même au jardin d'or-
nement. Comme j'estime cette plante le meilleur préventif contre les
troubles de la cinquantaine (mais les jeunes paraissent de plus en
plus fragiles, peut-être à cause des folies de notre civilisation), je
ne saurais trop vous recommander sa culture. Si vous n'en avez
pas la possibilité, alors cherchez un fournisseur sûr, qui vous donnera
votre ration annuelle de feuilles et de racines cueillies en même temps
que le légume, et, autant que possible, cultivées < biologiquement >
(sans insecticides ni pesticides).
Choisissez pour vos artichauts cultivés un endroit frais et sec, plantez-
les profondément et butez-les très haut en automne pour les préserver
du gel. Récoltez feuilles et racines en été.
PRÉPARATION ET EMPLOI :
INFUSION ET DÉCOCTION
de feuilles et (ou) de racines : jetez une demi poignée
de parties végétales dans un litre d'eau; sucrez abondamment au miel,
car ces préparations sont extrêmement amères. (3 tasses par jour,
avant les repas.)
SUC
frais de feuilles : trois
par jour, dans du miel, du lait, du vin
atténuer l'amertume.
ou quatre cuillerées à soupe
blanc ou du madère, afin d'en
BAINS DE PIEDS ET DE MAINS
comptez une bonne poignée de feuilles et de racines
par litre d'eau (contre l'acné, les dartres, les eczémas, les affections
du foie, les migraines hépatiques, la constipation et les coliques hépa-
tiques ).
TEINTURE :
laissez macérer pendant une à deux semaines 400 à
500 g de feuilles dans un litre d'alcool; filtrez. (Une cuillerée à soupe
par jour.)
NOTA :
Ne vous privez surtout pas de I'artichaut-légume sous
prétexte qu'il est moins actif que les feuilles et les racines. Faites-
en au contraire des orgies : la quantité suppléera la qualité, et votre
palais n'y perdra pas...
L'ASPERGE
Ce qu'on mange de l'asperge, ce mets si délicat, cette
douceur au palais des gourmands, ce n'est qu'un jeune rameau prin-
tanier de la plante (les cultivateurs disent un < turion >). Le végétal
tout entier se compose d'un ensemble de racines et de tiges souter-
raines ou rhizomes, qu'on appelle la < griffe >, et de plusieurs tiges
aériennes élancées, tout hérissées de petits panaches de rameaux
avortés. Les fleurs, minuscules et verdâtres, ressemblent un peu aux
clochettes du muguet - et de fait, comme ce dernier, l'asperge appar-
tient à la famille des liliacées. Deux espèces, surtout, sont importantes :
l'asperge cultivée et I'asperge à feuilles aiguës ou asperge sauvage;
celle-ci ne pousse que dans les endroits secs et rocailleux des contrées
méditerranéennes.
Les Égyptiens cultivaient déjà l'asperge, et ce sont les Grecs qui 1'ont
introduite dans le sud de l'italie et de la France. Les pousses que I'on
mange en entrée ont la même action, mais plus faible, que les griffes
du végétal. L'espèce est essentiellement diurétique; chacun sait
que, quand on en absorbe, I'urine prend une odeur bien particulière.
Elle est à recommander à tous ceux dont les reins manifestent quelque
paresse (sauf en cas d'inflammation des voies urinaires), aux malades
de la vessie, du foie, du coeur, ainsi qu'aux goutteux. Elle est particu-
lièrement efficace contre l'insuffisance hépatique, elle calme les pal-
pitations mieux que toute autre, et je la recommande tout parti-
culièrement aux intellectuels qui ont besoin de fournir un gros effort.
Elle contient en quantité une substance azotée, l'asparagine, qui est
indispensable à l'édification, à la division et à la réparation éventuelle
des cellules du corps.
RÉCOLTE, :
Il est assez difficile d'identifier l'asperge sauvage :
aussi vaut-il mieux ne pas prendre le risque de cueillir à sa place
quelque herbe vénéneuse.
Contentez-vous des < griffes > de I'asperge cultivée; si vous savez
la faire venir au jardin (ce qui est plutôt compliqué), déterrez racines
et rhizomes à I'automne, lorsqu'ils sont le plus bourrés de principes
actifs. Si vous n'en avez pas au potager, achetez-en dans une bonne
herboristerie; mais surtout, défiez-vous des plants < industriels >,
arrosés d'engrais chimiques et d'insecticides.
PRÉPARATION ET EMPLOI :
INFUSION OU DÉCOCTION :
comptez une demi-poignée à une poignée de griffes
fraîches par litre d'eau. (2 tasses par jour.)
LÉGUME :
mangez-en autant que vous voudrez, sauf si vous souffrez
d'une quelconque affection des voies urinaires ou de rhumatisme
articulaire aigu (par contre, les rhumatisants chroniques peuvent en
consommer ).
BAINS DE MAINS ET DE PIEDS
(contre les insuffisances hépatiques et les palpitations) :
comptez une poignée de griffes et quelques pointes d'asperges écrasées
par litre d'eau.
L'AUBEPINE
Qui n'a pas remarqué, au mai joli, la neige immaculée
des buissons d'aubépine en fleurs, dans la campagne frémissante de
toutes les nouvelles sèves printanières? Qui n'a pas fait la douce et
cruelle expérience, au hasard d'une promenade, des épines acérées de
cet arbuste de rêve ?
Mon père ramassait des paniers entiers de ces minuscules fleurettes
blanches, que ma mère faisait sécher soigneusement. Ce n'est pas sans
regret que je vois, à la faveur des remembrements, disparaître les haies
vives de nos champs. Car où trouverai-je demain l'aubépine de mon
coeur. qui du coeur est I'amie?
On classe I'aubépine. encore appelée albépine, aubespin, épine blan-
che, épine de mai. bois de mai, poire d'oiseau, cenellier ou noble épine,
dans la famille des rosacées, comme l'églantier, la ronce et le pommier.
C'est un arbuste de taille variable (exceptionnellement jusqu'à 10 m),
qui forme des enchevêtrements impénétrables de rameaux à l'écorce
gris clair et aux petites feuilles vertes, luisantes et échancrées. Les fleurs,
à 5 pétales blanc pur (parfois légèrement teintés de rose), avec une
mousse d'étamines jaunes au creux de la corolle, exhalent, à la vérité,
une odeur plutôt désagréable. Les fruits arrondis rougissent à l'au-
tomne : nos lointains ancêtres des cités lacustres les mangeaient, car
on en a retrouvé quantité de noyaux près de leurs habitations; aujour-
d'hui encore, en Europe centrale, ils servent à confectionner une sorte
de pain sauvage.
L'aubépine a été recommandée par les plus hautes autorités médicales
du Moyen Age et des Temps modernes contre la goutte' la pleurésie'
les hémorragies et les pertes blanches. La sage-femme de Marie de
Médicis, Louise Bourgeois, la donnait à ses illustres patientes pour
dissoudre les calculs urinaires. Je me garderai bien de contredire tous
ces avis, qui sont assurément le résumé de centaines d'années d'expé-
riences populaires ou savantes. Mon père, quant à lui, utilisait l'écorce
du végétal contre la fièvre, ses fruits contre la diarrhée, et surtout ses
fleurs pour régulariser le coeur et la tension artérielle. Je les emploie
également contre les spasmes nerveux, l'artériosclérose, l'angine de
poitrine et l'obésité. c'est l'une de mes meilleures < herbes tranquil-
les >. Tous ceux qui se sentent fatigués, qui manquent de ressort, qui
dorment mal, qui respirent avec difficulté, qui sont sujets aux vertiges,
aux palpitations, aux angoisses, à la nervosité, aux bourdonnements
d’oreilles, tous les hypertendus (et I'on sait comme I'hypertension est
répandue dans notre siècle de nourriture malsaine, de pollution et
dàgitation), tous ceux qui veulent se prémunir contre les dangers du
cholestérol et du durcissement des artères, tous les malheureux qui
souffrent de crises cardiaques, tous ceux-là peuvent à coup sûr recou-
rir à I'aubépine. Le traitement doit être poursuivi assez longtemps
pour porter définitivement ses fruits. Si I'aubépine agit moins rapide-
ment sur le coeur que la digitale, elle guérit bien mieux les affections
de I'ensemble du système circulatoire; et elle a l’ immense avantage de
ne présenter aucun caractère de toxicité.
RÉCOLTE :
Vous trouverez des buissons d'aubépine partout dans
la campagne; mais évitez ceux que I'on a plantés comme haies vives
le long des routes ou près des habitations : ils risquent d'être pollués.
Allez plus loin, là où les fumées empoisonnées ne risquent pas de rui-
ner les effets bénéfiques de l'espèce. Si vous décidez de planter de
l'aubépine au jardin - I'effet décoratif n'est pas négligeable -, procé-
dez comme avec tous les arbustes, ou mettez les fruits en terre à I'au-
tomne. Le végétal s'accommode de tous les sols et de tous les climats.
Détachez des lambeaux d'écorce au printemps, à la montée de la sève
et utilisez-les frais ou séchés. Cueillez les fruits en automne, lorsqu'ils
sont devenus bien rouges (mais certaines variétés restent plutôt oranges
ou jaunes).
Ramassez les fleurs, de préférence les blanches, soit en boutons, soit
immédiatement avant l'épanouissement complet, entre avril et juin,
selon que la saison est plus ou moins avancée; ne tardez pas, car elles
continuent de s'ouvrir après avoir été détachées, et risquent alors de
se défaire. Prenez-les une à une ou par grappes entières, éliminez toutes
les feuilles qui pourraient se glisser dans votre cueillette, et étalez cette
dernière en couche mince, à l'ombre.
PRÉPARATION ET EMPLOI :
DÉCOCTION
contre la fièvre (à boire, ou en bains de pieds) : jetez
10 pincées d'écorce hachée par litre d'eau. (2 ou 3 tasses ou 2 ou 3 bains
par jour. )
de fruits séchés contre la diarrhée (à boire ) : jetez 10 pin-
cées de baies dans un litre d'eau, et absorbez la totalité du liquide obtenu
par petits verres) en 48 heures.
INFUSION
de fleurs contre tous les spasmes et les troubles circula'
toires : jeter deux bonnes pincées de fleurs par tasse d'eau bouillante.
(2 à 3 tasses par jour, aussi longtemps qu'il le faut, avec des interruptions
régulières de quelques jours. )
BAINS DE MAINS ET DE PIEDS
de fleurs (mêmes indications que I'infusion) : jetez 10
à 20 pincées de corolles par litre d'eau. 2 bains par jour. Accompagnez
ces bains de pieds et de mains, qui ne constituent qu'un traitement
d'entretien, de compresses sur la région du coeur, dans les cas d'angine
de poilrine, d'infarctus, de tachycardie ou d'oedème pulmonaire. Pour
Ies maux d'estomac (crampes, etc.), renforcez également les bains
de pieds et de mains par des compresses chaudes sur la région
douloureuse, après les repas. Appliquez des compresses sur les
reins contre le,s lumbagos. Des compresses glacées sur la tête, en cas
de migraine nerveuse, peuvent avoir les meilleurs effets. Les bains
de pieds sont à éviter si I'on souffre de varices : il vaut mieux s'en tenir,
alors, aux bains de mains.
CATAPLASMES
de fleurs fraîches ou de fruits écrasés : contre les crises
d'angine de poitrine, les palpitations, les diarrhées, les lumbagos, les
rhumatismes.
L'AUNEE
Elle fleurit du printemps clair au vieil automne, cette
grande cousine de la marguerite aux fleurs jaunes, rayonnées comme
des soleils d'enfants... On la cultive assez souvent comme ornementale,
et c'est auprès des fossés, ou dans les bois humides, qu'on a le plus
de chances de rencontrer, dans la nature, ses larges feuilles rudes au-
dessus et toutes cotonneuses en dessous...
Il existe de nombreuses espèces d'aunées, ou inules (aunée conyze,
aunée visqueuse, aunée à feuilles de saule, etc.), mais la plus belle et
la plus utile est la grande aunée, encore dite astre de chien, soleil vivace,
quinquina indigène, aillaume, oeil de cheval, lionne, inule campane,
hélénine ou panacée de Chiron.
Le nom d'aunée vient probablement du grec helénâ, < petite corbeille >,
mais j'aime à imaginer, à la façon des antiques phytothérapeutes
Théophraste et Dioscoride, que la plante était chère à la belle Hélène,
la femme de Ménélas, I'amante de Pâris, pour qui Achéens et Troyens
se sont battus pendant dix années... Quoi qu'il en soit, l'espèce est
I'une des plus anciennement utilisées pour guérir. A Athènes, à Rome,
dans I'Europe du Moyen Age, on la recommandait contre les bronchi-
tes, la toux, la coqueluche, les pneumonies et les maladies de coeur.
En Allemagne, on en faisait un vin réputé effi.cace même contre la
peste, et qu'on appelait vin de saint Paul ou potion de saint
Paul .
L'aunée, je I'ai expérimenté mille fois, est un excellent tonique géné-
ral et un stimulant de toutes les muqueuses. Sans prétendre, comme
on l'a fait jadis, qu'elle suffit à guérir la tuberculose, je la crois salu-
taire dans la majeure partie des maladies de l'appareil respiratoire :
angines, bronchites, toux, asthme, coqueluche, pneumonie, pleurésie.
La coqueluche est devenue plus rare, de nos jours, qu'au temps de mon
enfance : mais je me souviens fort bien avoir vu mon père soulager et
guérir un petit coquelucheux avec des infusions et des bains d'aunée.
Et s'il est vrai qu'à l'heure actuelle la bronchite chronique (du fait de
la pollution) tue au moins autant que l'infarctus, alors l'aunée a de
nouveau.un rôle à jouer...
D'ailleurs, I'espèce ne borne pas son action aux seules voies respira-
toires : elle est diurétique (donc indiquée contre la paresse des reins,
la goutte, les rhumatismes, etc.). Elle provoque la sueur, elle est anti-
septique et elle nettoie le sang (ce qui la rend précieuse dans tous les
cas de maladies infectieuses). Elle est particulièrement efficace dans
le traitement des maladies de la peau (dartres, acné, herpès) et des
plaies superficielles (coupures, ulcères). Enfln elle est apéritive, elle
aide au travail de I'estomac, elle calme les brûlures de cet organe et
elle combat les nausées.
RÉCOLTE :
De l'aunée, vous utiliserez essentiellement la racine,
formée en réalité d'une grosse et courte tige souterraine (rhizome) et
de nombreuses racines annexes. C'est en automne qu'elle contient le
plus de vertus. Coupez-la en rondelles, après l'avoir soigneusement
brossée, et faites-la sécher. Elle prend, avec le temps, une délicieuse
odeur de violette. Pour cultiver la plante au jardin, choisissez un sol
épais, frais, et labouré très profondément.
PRÉPARATION ET EMPLOI :
INFUSION :
jetez une demïpoignée de racines pilées dans un litre
d'eau (2 à 3 tasses par jour.)
DÉCOCTION
(assez âcre au goût, donc meilleure pour l'usage externe :
compresses, pansements, etc.) : jetez une demi-poignée de racines dans
un litre d'eau.
BAINS DE MAINS ET DE PIEDS :
mêmes proportions que pour la recette précédente ; vous
pouvez, en saison,.ajôuter à votre bain quelques fleurs Jraîches de la
plante.
VIN
d'aunée : jetez une bonne poignée de racines coupées en
rondelles dans un litre de vin blanc ; faites reposer pendant une semaine ;
sucrez (un petit yerre aux repas ) .
INHALATIONS
.:
(contre toutes les maladies de l'appareil respiratoire) :
respirez sous un linge la vapeur d'une décoction très chaude et très
concentrée (à deux poignées de racines par litre d'eau).
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