plantes A

MON HERBIER DE SANTE

MAURICE MESSEGUE

 

 

 

 

L'ABRICOTIER

 

 

 

C'est un arbre béni des dieux, un arbre de santé

Je me souviens qu'enfant, j'allais en marauder les beaux fruits jaunes

dans les vergers de Gavarret. A l'instant où j'écris, il me semble

que le jus délicieux, mi-acide et mi-sucré, m'en coule encore dans la

bouche...

Les botanistes ont la mauvaise habitude de classer les végétaux

dans les genres auxquels on s'attend le moins. Ainsi, à leurs yeux,

l’abricotier n'est qu'un prunier - d'Arménie, certes, mais un prunier

tout de même. En vérité, cet arbre aux fruits couleur de laiton ou

de vieux cuivre est originaire d'Asie centrale. On le trouve encore

à l’état sauvage entre Pékin et la Grande Muraille. ce sont les Romains,

puis les Arabes, qui l'ont introduit dans le sud de l'Europe

Lorsque j'ai eu enfin le temps de lire, après avoir fait tous les métiers

pour vivre, je n'ai pas été étonné d'apprendre (tant il est vrai que la

médecine par les plantes est un art que les hommes se sont ingéniés

à trouver puis à reperdre) que le grand chirurgien arabe Meshué

 

utilisait l'abricot contre les maux d'oreilles, les douleurs nasales et

les hémorroides : c'est justement l'emploi qu'en faisait mon père...

Lorsqu'il est bien mûr - et lorsqu'il n'a pas été traité à grands

coups d'insecticides - l'abricot constitue un délicieux dessert,

riche en vitamines A et C, que je recommande tout particulièrement

aux enfants, aux anémiques, aux intellectuels, à ceux qui souffrent

des yeux, et qui n'est à déconseiller qu'à ceux qui se plaignent de

l’estomac et du foie. On peut l'administrer en compote aux rhuma-

tisants, le donner à l'état frais pour purger le corps, ou le faire bouillir

dans l'huile contre les diarrhées. La petite amande que contient le

noyau s'emploie de la même façon que les amandes amères et les

amandes douces (voir AMANDIER); elle possède des propriétés

vermifuges, mais elle doit être utilisée à très faibles doses à cause

du dangereux poison, l'acide prussique (acide cyanhydrique), qu'elle

contient.

 

RÉCOLTE :

 

Ayez au moins un abricotier au verger : il charmera

vos regards, il vous attirera des concerts de chants d'oiseaux, et vous

vous en porterez mieux ! Si c'est impossible, tâchez de vous procurer

les abricots les plus frais et les moins traités possibles. N'employez

ces beaux fruits d'or à des fins médicinales qu'en saison (autour

du mois de juin) : ceux que vous pouvez acheter hors saison, outre

qu'ils sont très chers, sont nécessairement bourrés de produits chi-

miques.

 

PRÉPARATION ET EMPLOI :

 

Mangez à satiété des abricots, frais, en confiture, en

compote ou bouillis dons l'huile.

Mais préparez aussi les remèdes suivants :

 

DÉCOCTION DE FRUITS

(en compresses, contre les maux d'oreilles et de nez) :

comptez 100 g d'abricots coupés en morceaux par litre d'eau

 

BAINS DE SIÈGE

 

contre les hémorroïdes : mêmes proportions

 

BAINS COMPLETS

BAINS DE MAINS ET DE PIEDS

 

au jus d'abricot (notamment pour la beauté de la peau) :

comptez un litre de jus pour une baignoire, un grand verre pour une

cuvette (il existe des sels de bain à l'abricot dans le commerce).

 

 

 

L'ABSINTHE

 

Je n'imaginais pas, quand je rencontrais cette grande

herbe d'argent ciselé au détour des chemins poudreux et ensoleillés

de Gavarret, qu'elle avait tué Verlaine et qu'elle avait été, à la fin du

siècle dernier, à I'origine d'un fléau social aussi terrible que l'est

aujourd'hui I'usage des stupéfiants. Ce concentré d'amertume, qui

symbolise les épreuves de la vie dans les Écritures Saintes, contient

en effet un poison redoutable. A faibles doses, c'est un apéritif, au

même titre que l'anis ou le fenouil. A doses exagérées, elle devient

 

une drogue dont on ne peut plus se passer. Elle attaque le système

nerveux dans son ensemble, et entraîne des hallucinations, puis

un engourdissement général, l'hébétude, la déchéance physique

et la mort...

 

La grande absinthe, encore appelée aluine, alvine, herbe sainte, armoise

amère ou herbe aux vers, se reconnaît aisément à ses feuilles duve-

teuses, argentées et découpées en fines lanières, à ses fleurs minus-

cules réunies en capitules comme de charmants pompons jaune pâle,

et surtout à I'odeur forte et aromatique qu'elle exhale lorsqu'on

la froisse entre les doigts.

Déjà célèbre chez les Égyptiens, les Grecs et les celtes, capable d'ou-

vrir l'appétit au dire de l'Arabe Avicenne, active contre le mal de mer

selon l'École de Salerne (xive siècle), elle a été utilisée pêle-mêle

contre les rhumatismes, la peste, le choléra, la jaunisse, les angines,

la paralysie, le scorbut, les oreillons, les otites et les maux de dents.

On I'employait en outre pour éloigner les mites et les mouches, pour

tuer les rongeurs, et, disait un auteur du Moyen Age, pour calmer

les femmes acariâtres et bilieuses !

Tout, là-dedans, n'est évidemment pas sérieux. Quant à moi, j'ai

principalement vérifié l'action de l'espèce contre les parasites de toutes

sortes, et notamment contre les vers. N'était le goût affreux de la

poudre, de la macération sous forme de bière ou de I'infusion que

l'on prépare avec ses feuilles, je les recommanderais plus souvent

aux enfants. Les adultes, eux, s'en accommodent.

Par ailleurs, l'absinthe est un excellent tonique général : elle excite

I'appétit et stimule les fonctions digestives dans leur ensemble. Grâce

à elle, j'ai littéralement redonné le goût de la vie à une jeune fille

neurasthénique qui refusait tout aliment. Elle excelle encore à soigner

les insuffisances du foie, elle peut guérir la jaunisse, et j'aime à la

donner aux convalescents qui relèvent d'une hépatite virale. c'est

en outre un bon médicament pour faire tomber la fièvre; nos ancêtres

en usaient abondamment avant la découverte de la quinine. Je la

recommande pour régulariser ou provoquer les règles. c'est un anti-

septique utile, et une herbe qui fait merveille contre la diarrhée.

Mais attention ! Avec cette énergique herbe de Diane , les doses

doivent être scrupuleusement respectées. Qui les dépasse s'expose

à une série de troubles assez graves (maux de tête, vertiges, inflamma-

tion des conjonctives, etc.). Je déconseille formellement I'usage de la

plante aux femmes enceintes, aux femmes qui allaitent, et à tous ceux

qui souffrent d'hémorragies de I'estomac ou de I'intestin.

 

 

Récolte :

 

Cueillez les feuilles et les fleurs de I'absinthe en juillet-

août, avant le plein épanouissement. Veillez à choisir des pieds qui

aient poussé loin des pots d'échappement des voitures : l'espèce

aime en effet à croître au bord des routes...

Utilisez la plante fraîche, ou après l'avoir fait sécher à l'ombre.

 

PRÉPARATION ET EMPLOI :

 

POUDRE D'ABSINTHE :

réduisez en poudre 2 pincées de feuilles d'absinthe sèches;

mêlez-les à 2 pincées de poudre de réglisse et une demi-pincée de poudre

d'anis vert. (Comme tonique, I à 2 pincées avec de la pulpe de pruneaux.

Comme vermifuge, 2 à 3 pincées à jeun, pendant 5 .jours, toujours avec

de la pulpe de pruneaux.)

 

INFUSION :

 

jetez 5 à 20 pincées de feuilles d'absinthe

d'eau chaude ou froide; sucrez abondamment. (2 tasses

grand maximum, pendant 3 ou 4 jours.)

 

VIN D,ABSINTHE :

 

mettez une demi poignée de feuilles d'absinthe dans

I litre de vin blanc ou de bière, et laissez reposer deux semaines. Autre

formule: mettez l'absinthe dans de l'alcool pendant 24 heures, et n'ajou-

tez qu'ensuite le vin ou la bière; laissez 10 jours et filtrez. (Un verre à

liqueur par jour au grand maximum, pendant 3 ou 4 jours, avant les

repas pour ouvrir l'appétit, après les repas pour faciliter la digestion,

à jeun le matin contre les vers.)

 

SIROP :

 

dans un litre de bon vin blanc, mêlez deux poignées

de sommités fleuries sèches d'absinthe, une demi poignée de pétales

de roses rouges sèches,6 pincées de cannelle et 400 g de miel; laissez

24 heures à chaleur douce ou une semaine à température normale;

filtrez. (Un verre à liqueur avant les repas, pendant 3 jours, comme

digestif èt vermifuge.)

 

Nota : Les femmes qui nourrissent leur enfant au sein

doivent s'abstenir absolument de prendre de l'absinthe, de même que les

tempéraments bilieux et sanguins, de même encore que les individus

qui souffrent de l'estomac ou de I'intestin.

 

 

L'ACHILLÉE MILLEFEUILLE

 

 

 

Lorsque le bouillant Achille, au siège de Troie, fut

mortellement blessé au talon par la flèche empoisonnée du beau

Pâris, la déesse Aphrodite, en larmes, lui conseilla d'utiliser cette

plante pour calmer ses souffrances. Ainsi naquit I'achillée, souveraine

contre les blessures à I'arme blanche. De là viennent certains noms

populaires de I'espèce - achillée et sourcils (ou souris, ou sourire)

de Vénus. Les autres noms vulgaires de cette cousine de la camomille

(herbe aux coupures, herbe aux bûcherons. herbe aux charpentiers,

herbe aux militaires, saigne-nez) disent clairement I'emploi médicinal

que nos ancêtres en ont fait. Ces tendres parasols de fleurs blanches

ou rosées, sur une sorte d'escalier de feuilles bleu-vert taillées en

peignes (on dirait qu'il y en a mille...), forment pour ainsi dire le

pansement individuel à la portée du militaire en campagne. Un ancien

infirmier de la guerre de 1914-1918 m'a rapporté comment, faute de

pharmacie, il avait soigné avec de I'achillée les blessures légères de

dizaines de poilus.

Avant d'en venir à I'essentiel (aux propriétés hémostatiques du végé-

tal, c'est-à-dire à sa capacité d'arrêter le sang), je voudrais noter

quelques-unes des autres qualités que je lui ai trouvées. Elle est for-

tifiante et décongestive. Ses feuilles et ses fleurs constituent un bon

tonique des voies digestives. J'y vois en outre un antispasmodique,

un calmant du coeur et du système circulatoire (que je recommande

tout particulièrement aux personnes sujettes aux angines de poitrine

et aux douleurs du thorax). L'achillée est une herbe que j'ai utilisée

maintes fois contre les affections nerveuses rebelles et pour régulariser

le cycle des femmes mal réglées, soit à la puberté, soit à la ménopause.

C'est un dépuratif (les dartres et l'acné lui cèdent bien). C'est un

remède contre les calculs urinaires. Je la recommande particuliè-

rement en infusion, pour lutter contre les crampes d'estomac, pour

stimuler la digestion et faciliter l'évacuation des gaz de l'intestin.

Quant à I'achillée comme spécifique des blessures, son éloge n'est

plus à faire. Il est vrai qu'elle arrête 1es saignements mieux que toute

autre espèce. Il n'est pas exagéré de dire que c'est la panacée contre

les plaies, les ulcères, les contusions, les panaris, les gerçures, les cre-

vasses, les hémorroïdes et les hémorragies superficielles en général

(nasales ou autres). Ce qu'on sait moins, c'est qu'elle possède en

 

outre de remarquables qualités antiseptiques - tous les avantages

réunis! Avec elle, point d'infection!

C'est le mercurochrome et la teinture d'iode réunis des prés et des

champs !

 

. RÉCOLTE :

 

Cueillez les feuilles et les larges parasols fleuris de I'achil-

lée juste avant l'épanouissement complet. Vous n'aurez aucune peine

à en trouver dans toutes les prairies un peu sèches. L'espèce fleurit

du mois de mai au mois d'octobre. Vous pouvez aussi la semer au

jardin ou dans le gazon de votre verger, dans n'importe quel terrain

bien ensoleillé. C'est une herbe vivace, qui vous donnera chaque année

de beaux plants, pourvu que vous n'arrachiez jamais sa racine.

 

PRÉPARATION ET EMPLOI :

 

INFUSION :

 

jetez 10 à 20 pincées de fleurs et de feuilles par demi-

litre d'eau. N'en préparez qu'une petite quantité à la fois : ce breuvage

noircit et se détériore à lu lumière. ( 2 à 3 tasses par jour, comme tonique,

calmant et dépuratif. S'il s'agit de traiter une affection nerveuse, ajoutez

à l'infusion quelques feuilles de mélisse et une pincée de fleurs de camo-

mille.)

 

DÉCOCTION

(pour lotions, bains, lavements, etc. ; pour bains de pieds

et de mains toniques et dépuratifs ; en compresses sur les blessures, et

comme antiseptique ) : comptez une poignée de feuilles et de fleurs par

litre d'eau.

 

SUC FRAIS

 

(usage externe) : broyez toute la partie aérienne de

l'achillée, et exprimez-en le jus à travers un linge. (Pour ce remède,

comme pour ceux qui suivent, arrêtez immédiatement le traitement à

la moindre apparition de boutons ou de rougeurs autour de la zone

soignée : certains organismes supportent assez mal la plante.)

 

POMMADE :

mélangez intimement un poids égal de suc d'achillée et

de saindoux. (Hémostatique et antiseptique.)

 

 

L'AIGREMOINE EUPATOIRE

 

 

 

C'est la cousine germaine de la rose, mais c'est aussi

la moins gracieuse de la famille des rosacées. Qu'on en juge! Une

tige rougeâtre, grossière et velue; des feuilles composées également

velues et dentées, du vert le plus banal ou lavées de brun; des fleurs

jaunâtres, petites et discrètes, sans éclat, accrochées sur la tige en

longs épis diffus qui ressemblent à des queues de vaches; enfin des

graines hérissées de petits crochets, qui adhèrent tenacement aux

poils des animaux ou aux vêtements des promeneurs...

Cependant, il en va des plantes comme des hommes; les plus esti-

mables vertus ne sont pas toujours le fait des êtres les plus beaux.

Quoi qu'il en soit, les populations historiques ramassaient déjà les

fruits de l'aigremoine eupatoire pour se guérir (on en a trouvé de

nombreux restes près des cités lacustres). En Égypte, selon un papyrus

qui date de vingt-six siècles avant notre ère, on l'utilisait pour le

traitement des yeux malades. Et c'est, un peu plus tard, le roi-médecin

de Pont,, Mithridate Eupator, qui lui donna son deuxième nom...

Le Grec Dioscoride recommandait l'espèce comme purgatif uni-

versel. Un autre médecin de I'Antiquité l'indiquait en emplâtre contre

les plaies de guerre. Sainte Hildegarde, très savante femme du Moyen

Age, y voyait le spécifique de la fièvre et de l'amnésie. Et Boerhaave,

botaniste hollandais du xviiie siècle, la prescrivait en gargarismes

contre les bronchites et les angines.

J'ai, pour ma part, très souvent expérimenté les vertus de la plante.

C'est un diurétique léger, utile en cas de coliques néphrétiques et de

maux de reins. C'est aussi un honnête médicament contre les plaies :

elle soigne les coupures, les ulcères et les inflammations. C'est encore

un bon vermifuge et un remarquable  défatigant général . Mais

d'abord et avant tout, j'y vois l'herbe-miracle (si tant est qu'on puisse

parler de < miracles ) avec nos bonnes plantes) contre les affections

de la bouche et de la gorge, contre les aphtes, les angines et les ulcéra-

tions du palais ou de la langue. Un chanteur fort connu vint un jour

me consulter, effondré : il sentait qu'il perdait sa voix, sa gorge le

faisait cruellement souffrir dès le troisième air du spectacle, aucune

médication pharmaceutique n'y faisait plus rien... Je lui ordonnai

une dizaine de gargarismes quotidiens à I'eupatoire (traitement

d'attaque), ce chiffre devant être ramené à quatre ou cinq au bout

 

de quinze jours (traitement d'entretien) : mon homme n,a jamais

fait d'aussi belles vocalises, et c'est avec beaucoup d,amusement que

j'ai vu, un soir, ma recette affichée dans la coulise de certain music-

hall...

 

RÉCOLTE :

 

L'aigremoine eupatoire fréquente tous les terrains,

mais surtout ceux qui sont riches en argile - les pâturages maigres,

les clairières au soleil, les talus... cueillez-en les fleurs et les feuilles

en été, et faites-les sécher à I'ombre, dans un endroit bien aéré.

 

PRÉPARATION ET EMPLOI :

INFUSION OU DÉCOCTION

 

(diurétique, vermifuge et défatigante) : comptez

une demi poignée de fleurs et de feuilles par litre d'eau. (3 à 5 tasses

par jour. L'infusion, très odorante, couleur de vin clairet, est très appré-

ciée dans certaines contrées septentrionales, où on la déguste pour

remplacer Ie thé : de là viennent les surnoms de thé du Nord et de thé

des bois que l'on donne parfois à l'aigremoine. La décoction peut égale-

ment s'employer en usage externe, pour soigner les blessures.)

 

VIN

 

pour laver et panser les plaies infectées : jetez 4 poignées

de plante sèche dans un litre de vin rouge ; faites bouillir 5 minutes ;

laissez reposer une heure.

 

GARGARISMES :

jetez 2 poignées de feuilles sèches dans un litre d'eau;

faites bouillir jusqu'à réduction d'un tiers; ajoutez 50 g de miel, et,

si possible, une poignée de tilleul et une poignée de sauge. (plusieurs

fois par jour, contre les angines, Ies aphtes, les pharyngites.)

 

BAINS DE MAINS ET DE PIEDS :

 

jetez deux poignées de fleurs et de feuilles sèches dans

une cuvette d'eau très chaude. Prenez le bain immédiatement, ou laissez

reposer 12 heures, et ne le prenez qu'ensuite. (Notamment contre les

migraines. )

 

 

L'AIL

 

L'ail, à mes yeux, est synonyme de vitalité. Je ne sais

s'il est plus précieux à mon coeur de Gascon ou à mon art de phyto-

thérapeute. Mais quand je le vois pousser au jardin, je suis sûr que la

santé et la joie sont les hôtes de la maison. Cet amour, je le dois pro-

bablement au fait d'avoir été, comme tous mes compatriotes, baptisé

avec une gousse d'ail sur les lèvres...

Mon père aimait à répéter qu'il ne devrait pas y avoir de journée sans

ail; c'était à ses yeux un aliment aussi capital que le pain même. Il

ne cessait de louer la coutume qui veut que, dans le Midi, l'on confec-

tionne aux enfants un quatre-heures, un chapon , avec un croûton

frotté d'ail et d'huile d'olive. Ah! ces chapons de ma grand-mère

Sophie! Je les ai encore sur la langue...

 

 

 

L'ail est le cousin du lis et du muguet. Ce sénateur du potager en

habit vert, à tête florale chevelue et à bulbe de rose ou d'albâtre, est

probablement originaire de l'Asie centrale - là o les hommes

vivent plus vieux qu'ailleurs, où les vieillards sont plus chenus, et

où, curieusement, le pourcentage des affections cancéreuses est le

plus bas du monde.

Il a depuis fort longtemps conquis l'Égypte : les pharaons en don-

naient chaque jour aux esclaves constructeurs de pyramides; à cette

époque, on en faisait aussi des colliers aux enfants pour les protéger

des parasites, et on utilisait la plante pour tester  la fécondité

des femmes...

 

Les Grecs en faisaient également une énorme consommation, même

s'ils l'appelaient rose puante; le dieu Hermès, selon I'Odyssée,

recommanda l'ail à Ulysse contre les enchantements de Ia magicienne

Circé, qui transformait les hommes en pourceaux. Les athlètes anti-

ques, aux jeux Olympiques, en croquaient traditionnellement une

gousse avant I'effort; le grand médecin de l'époque, Galien, en faisait

la panacée des paysans; son confrère Dioscoride y voyait un tonique,

un diurétique, un vermifuge, en antidote contre les poisons, enfin

un remède contre I'asthme, la jaunisse, les maux de dents et les érup-

tions de la peau.

 

Au Moyen Age, on ajouta à cette liste d'indications les fièvres, la

surdité, les crachements de sang, etc., après que Charlemagne eut

recommandé la culture de l'ail dans ses célèbres Capitulaires. Le bon

roi Henri IV, on le sait, fut baptisé comme tous les enfants de Gas-

cogne et du Béarn : on lui frotta la langue avec une gousse d'ail, et

on lui fit boire quelques gouttes de jurançon (ou d'armagnac : c'est

le seul point contesté de I'affaire); le Vert-Galant ne manquait jamais,

en prévision de ses conquêtes féminines, de croquer une gousse chaque

matin au réveil. Je me souviens d'un célèbre coureur de jupons de

Gavarret, officier de cavalerie de son état, qui puait I'ail à dix mètres

à la ronde, et qui s'était taillé une réputation inégalable auprès des

dames du pays...

 

Je ne signale que pour mémoire le fait qu'on donne de l'ail aux coqs

de combat, du Mexique aux Philippines et aux Antilles. J'ai rapporté

dans C'est la nature qui a raison, I'anecdote de ce sorcier antillais,

dont les gallinacés remportaient toutes les batailles parce qu'ils étaient

nourris moitié grain, moitié ail...

Beaucoup plus sérieuses sont les deux nouvelles propriétés que la

médecine a découvertes à mon végétal favori : il combat le diabète

 

 

et abaisse la tension artérielle. Mais si j'avais à décortiquer par le

menu les multiples vertus de mes chères gousses, je procéderais de la

façon suivante.

Premièrement, c'est un antibiotique et un antiseptique général. Un

célèbre savant de mes amis m'a confirmé que les vapeurs d'ail éli-

minent activement les microbes dangereux. Je me souviens fort bien

que, dans mon pays, I'usage était d'écraser des gousses dans chaque

pièce de la maison à la moindre rumeur d'épidémie : encore une

preuve de la sagesse populaire...

Deuxièmement, c'est un régulateur de la flore intestinale. De même

que les rapaces maintiennent en équilibre les populations de rongeurs

nuisibles dans les campagnes, de même I'ail s'oppose à la prolifération

dans notre tube digestif, de certaines bactéries dangereuses. c'est

pourquoi je le recommande dans la plupart des cas de diarrhées, de

dysenteries, de crampes d'estomac, de lourdeurs, de ballonnements, etc.

Troisièmement, c'est un vermifuge extraordinaire - actif contrq tous

les vers, aussi bien les ascarides et les dangereux oxyures que les vers

solitaires. De ce point de vue, rien n'est meilleur, pour les enfants,

que le < chapon > cher à ma grand-mère...

Quatrièmement, c'est un incomparable stimulant de l'organisme et

un régulateur des fonctions essentielles. Les troubles du foie et des

glandes endocrines (thyroide, surrénales, etc.), la goutte' la sciatique'

les vertiges, les bourdonnements d'oreilles, les bouffées de chaleur,

etc., autant d'indications pour 1ui.

Cinquièmement, c'est un anti diabétique : il régularise le taux du

glucose dans le sang. Toutes les personnes nées dans des familles

< à haut risque >, tous les obèses aussi, ont intérêt à en faire le plus

large usage.

Sixièmement, c'est probablement un préventif des tumeurs cancé-

reuses, notamment celles du tube digestif, dans la mesure où il pré-

vient la constipation (donc I'auto-intoxication), et où il stimule la

sécrétion des sucs de I'estomac tout en désinfectant l'intestin.

Septièmement, enfin, c'est le premier ami du système circulatoire.

Non seulement, il abaisse la tension (l'hypertension, principale res-

ponsable des infarctus et des congestions cérébrales, constitue l'un

des fléaux de notre temps), mais encore il assouplit les vaisseaux san-

guins (contre I'artériosclérose), il régularise le taux de cholestérol, il

favorise le travail des globules rouges transporteurs d'oxygène, et

il combat I'empoisonnement par la nicotine (avis aux gros fumeurs!)

ou les polluants modernes (avis aux citadins!).

 

RÉCOLTE, :

 

Partout où j'ai trouvé I'ail, j'ai trouvé la santé, et par-

tout où j'ai trouvé la santé, j'ai trouvé I'ail...

Toutes les parties du végétal sont actives, mais principalement les

gousses : elles vous suffiront largement. Si vous ne cultivez pas vous-

même la plante au jardin, veillez à n'acheter que des produits garantis

biologiques, sans engrais industriels, sans pesticides. Défiez-vous

des emballages modernes, où les gousses sont aspergées de conser-

vateurs  chimiques qui vous feront plus de mal que la plante ne vous

fera de bien...

 

J'espère que votre potager regorge d'ail. Ce  légume (mais il est

bien davantage) n'aime pas les fumures fraîches : fumez votre terre

six mois auparavant; plantez les gousses en octobre-novembre, à

3 cm de profondeur, et à l0 cm les unes des autres. Après la récolte,

nettoyez les têtes et faites les sécher en les suspendant, à I'ombre.

Mangez de I'ail de toutes les façons possibles, avec de la salade, la

sauce (ailloli...), dans de la soupe (la fameuse ( soupe aux enfants >

du Midi est à base d'ail bouilli), etc.

 

PRÉPARATION ET EMPLOI :

 

EN GOÛTER

 

pour les enfants ( comme vermifuge ) : frottez abondam-

ment un croûton de pain avec de l'ail, et ajoutez-y un peu d'huile d'olive,

 

DÉCOCTION DE GOUSSES :

comptez une tête de plante par litre d'eau ou de bouillon

(contre l'hypertension et les malaises qui en découlent, pour stimuler

la circulation, pour lutter contre la goutte, et l'arthrite, comme anti-

septique pulmonaire et intestinal ; 3 tasses par jour ).

 

TEINTURE

 

contre l'hypertension : laissez macérer 48 heures une

gousse d'ail dans un petit verre d'alcool. (20 gouttes par jour, dans

une infusion d'angélique, de sauge ou de mélisse.)

 

SIROP

 

contre I'hypertension : mélangez deux têtes d'ail râpe

à un verre d'eau et 100 g de sucre. (2 cuillerées à soupe par jour.)

 

VIN :

vermifuge, tonique et contre la fièvre : comptez une tête

 

d'ail et 10 pincées de feuilles d'absinthe par litre de vin chaud. (2 verres

par jour, à condition de s'abstenir de tout autre alcool. Ne pas admi-

nistrer aux enfants.)

 

SUC

antiseptique : exprimez le jus de l'ail réduit en bouillie

à travers un linge fin ; ajoutez-y 10 volumes d'eau distillée et un volume

d'alcool à 90 o. (En applications externes.)

 

BAUME :

écrasez 2 gousses d'ail dans 3 cuillerées à soupe d'huile.

(En applications externes, sur le ventre contre les vers et les troubles

digestifs, sur Ia colonne vertébrale contre les vertiges, sous la plante

des pieds contre I'hypertension.)

 

LIQUEUR :

dans une bouteille d'un litre, mettez 1/3 d'ail pilé et

2/3 d'alcool; laissez 15 jours en plein soleil; passez. (En cure tonique

périodique : 2 gouttes le premier jour, 4 le deuxième, 6 le troisième ;

et ainsi de suite jusqu'à 24, avant de revenir progressivement à 2.)

 

INFUSION COMPOSÉE

contre Ie cholestérol : jetez 3 gousses d'ail, 2 pincées de

cerfeuil, 1 pincée de lavande et 3 pincées de sauge dans un litre d'eau.

(3 tasses par jour.)

 

CATAPLASMES

contre les cors aux pieds et les verrues : pilez une gousse

d'ail et appliquez-la directement sur la partie à traiter, en protégeant

Ia peau saine alentour avec un sparadrap. Les résultats sont concluants

en moins de quinze jours.

 

VINAIGRE D'AIL

(en applications externes, pour désinfecter les plaies et

les ulcères) : faites macérer pendant l0 jours 3 gousses d'ail râpées

dans un demi-litre de vinaigre.

 

BAINS DE PIEDS ET DE MAINS

(contre les allergies, I'asthme, l'acné gastrique et intes-

tinal, l'hypertension et les malaises qui en découlent) : comptez 3 têtes

d'ail par litre d'eau. (2 bains tiède,s par .jour.)

 

FRICTIONS

 

d'ail sur le bas de la colonne vertébrale :

contre l'impuissance.

En règle générale, pour bien vous porter, consommez au

moins une gousse d'ail par semaine, et n'oubliez pas que, tout compte

fait, la façon la plus agréable et la plus naturelle de consommer l'ail,

c'est dans la cuisine, à condition d'en aimer le goût.

 

NOTA :

 

Le principal inconvénient de I'ail, c'est son odeur désa-

gréable (il s'élimine par les poumons, d'où l'haleine caractéristique de

ceux qui en ont mangé). Cette odeur (peu favorable à la vie sociale!)

peut être masquée de diverses façons : par quelques gouttes d'essence

d'angélique, en mâchant du cerfeuil ou du persil, en déglutissant lente-

ment une pomme râpée et quelques cuillerées de miel, ou encore en

croquant quelques grains de café après le repas.

 

 

L'ALCHÉMILLE

 

 

 

Rien n'est joli comme la feuille palmée de l'alchémille

commune : sur les dents délicates de son pourtour, naissent des perles

(dues non pas à la rosée, mais à la transpiration du végétal), perles

si pures, si semblables à des joyaux, si immatérielles presque, que les

alchimistes du Moyen Age les recueillaient sous le nom d' eau céleste,

et les utilisaient dans leur recherche de la pierre philosophale. De là

vient le nom commun de I'alchémille - l'herbe des alchimistes *,

qu'on appelle encore pied de lion, manteau de Notre-Dame, mantelet

des dames, soubeirette, porte-rosée, ou patte de lapin... Les fleurs de

l'espèce, petites et vert pâle, n'ont pas de pétales.

La plante la plus chère aux alchimistes ne pouvait pas ne pas avoir

mille vertus curatives : mon père m'a souvent dit que dans sa jeunesse

il avait rencontré un vieil homme un peu soupçonné de magie, qui

faisait de l'alchémille le premier des médicaments. Je n'irai pas jus-

que-là, et mon père n'y allait pas davantage. Mais l'alchémille, et

d'abord sa racine, peut rendre de remarquables services contre les

saignements et les embarras intestinaux, comme tonique, comme

 

diurétique, et comme amie de l'estomac. Les femmes surtout y trou-

veront le remède à leurs nombreux troubles, des pertes blanches aux

douleurs utérines, aux vertiges de la grossesse et aux lésions qu'occa-

sionne parfois I'accouchement. En infusion, l'espèce aide à vaincre

la rétention d'eau et l'obésité (encore une propriété précieuse pour

les dames), et améliore l'évolution des diabètes. En décoction, en

bains pour I'usage externe, elle agit comme cicatrisant des plaies,

comme anti-inflammatoire, contre la conjonctivite et contre les infec-

tions superficielles de I'appareil génital.

 

RÉCOLTE :

L'alchémille fréquente tous les pâturages humides, de

la plaine à la haute montagne, et fleurit entre mai et octobre. Cueillez

les parties aériennes de la plante le matin, par temps sec, juste avant

la floraison, et arrachez la racine en septembre-octobre. Faites sécher

à I'ombre.

 

PRÉPARATION ET EMPLOI :

 

INFUSION

(usage interne, comme tonique, diurétique, pour décon-

gestionner Ie foie, etc. ) : jetez, p(r tasse de breuvage, 3 pincées d'alché-

mille séchée (ou de racines râpées), et laissez l0 minutes. (3 tasses

par jour, entre les repas.)

Autre infusion notamment destinée aux femmes mal

réglées et aux obèses : jetez une poignée d'alchémille entière séchée

dans un litre d'eau bouillante. (3 tasses par jour, entre les repas.)

 

CATAPLASMES

d'alchémille fraîche, pour arrêter Ie sang et cicatriser

les plaies : à renouveler toutes les 10 minutes, au début.

 

DÉCOCTIONS

(usage externe, contre les plaies, les inflammations, Ies

infections superficielles) : comptez deux poignées d'alchémille séchée

par litre d'eau.

pour les yeux (conjonctivite) : comptez 50 g de plante

sèche par litre d'eau.

 

BAINS DE MAINS ET DE PIEDS, DOUCHES VAGINALES :

mêmes proportions que précédemment.

 

 

L'AMANDIER

 

L'amande me paraît avoir toute la douceur du monde :

rien n'est meilleur que son huile contre les irritations, les brûlures...

et pour les fesses de bébé!

L'amandier est originaire de l'Asie centrale, et on le cultive depuis

plus de trente-cinq siècles en Perse et en Chine. En I'an 700, la France

ne le connaissait pas encore; certaines régions ne le connaîtront

d'ailleurs jamais, car il ne mûrit ses fruits que sous le chaud soleil

des régions méridionales. Il en existe deux variétés, I'une à amandes

douces, l'autre à amandes amères, mais pour les botanistes, c'est de

la même espèce qu'il s'agit.

 

Avant d'en venir aux deux sortes d'amandes, je voudrais dire un mot

des fleurs : ces admirables rosettes rose pâle, dont l'épanouissement

enchante des régions entières, et que les maîtres de I'estampe chinoise

ont si souvent prises pour modèles, ont une incontestable vertu pur-

gative et vermifuge. Je me souviens fort bien que lorsque nous étions

embarrassés de parasites, ma grand-mère Sophie nous en préparait

souvent une infusion, qu'elle renouvelait de 2 heures en 2 heures,

jusqu'à ce que les hôtes indésirables de nos intestins aient été expulsés...

Les amandes amères, parce qu'elles contiennent de l'acide prussique

(ou acide cyanhydrique), constituent un poison violent, et j'interdis

formellement d'essayer de les utiliser par voie buccale En applica-

tions externes, c'est-à-dire en cataplasmes et en bains, leur pulpe

calme la douleur, notamment la migraine, les coliques néphrétiques

et hépatiques, les rhumatismes, 1es aigreurs d'estomac et les douleurs

ressenties sur le trajet des nerfs. La pâte faite avec ces fruits constitue

un bon savon pour ceux qui ont la peau délicate, et un excellent déo-

dorant naturel, cent fois préférable à tous les aérosols chimiques qui

nous empoisonnent tous les jours un peu plus.

De I'amandier à fruits doux, on utilise les fruits (coque et amande),

les feuilles et l'écorce. Les feuilles et les coques stimulent les fonctions

du foie et calment la toux. L'écorce, outre ces deux propriétés, est

encore vermifuge, fébrifuge et diurétique.

L'amande douce, quant à elle, si délicieuse et si nutritive au dessert,

en gâteaux, dans les pralines, le nougat, etc., convient mal aux esto-

macs fragiles : mais ceux qui sont solides de ce côté-là y trouveront

un véritable concentré d'énergie. Pour le reste, ce fruit sert à confec-

tionner le sirop d'amandes (vulgairement nommé sirop d'orgeat

- auquel je n'ai pas trouvé de vertu particulière), et l'huile d'amandes

douces. Cette dernière s'achète en pharmacie : c'est un liquide jaune

pâle, à saveur agréable, qui adoucit toutes les irritations du système

digestif (de la bouche au gros intestin), qui combat assez bien la bron-

chite et les ennuis de l'appareil urinaire, et que je recommande tout

spécialement comme vermifuge aux enfants, dans une décoction de

fleurs de guimauve et de coquelicot, avec un peu de miel et de jaune

d'oeuf. En usage externe, l'huile d'amandes douces est précieuse contre

les démangeaisons, les brûlures, les érysipèles et les inflammations

superficielles.

 

RÉCOLTE :

(amande douce uniquement) :

Si vous habitez une région où pousse l'amandier, cueillez ses fleurs

en boutons (mars-avril), ses feuilles à la même époque, et récoltez

son écorce et ses fruits à la maturité de ces derniers. Sinon, achetez

fleurs, feuilles et coques dans une bonne herboristerie, et procurez-

vous les amandes les plus fraîches que vous puissiez trouver; défiez-

vous des conditionnements modernes (sachets de plastique, em-

ballages sous vide...) si pratiques, mais si peu sains...

 

PRÉPARATION ET EMPLOI

 

(amande douce uniquement )

 

INFUSION DE FLEURS :

 

pour chaque tasse de breuvage, jetez 2 à 3 pincées de

fleurs sèches dans de l'eau bouillante. (Vermifuge : renouvelez la dose

jusqu'à expulsion complète des parasites, mais de 2 heures en 2 heures

seulement. )

 

TISANE DE COQUES :

concassez une poignée de coques et faites-les bouillir

pendant une heure. (2 tasses par jour.)

 

DÉCOCTIONS

de feuilles : jetez une poignée de feuilles fraîches ou

sèches par litre d',eau;n'abusez pas de ce type de médication. (Une tasse

par jour.)

d'écorce : servez-vous, pour cette préparation, de la

seconde écorce de l'arbre ; pilez-en 20 à 30 pincées par litre d'eau.(Une

tasse par jour.)

 

BAINS DE PIEDS ET DE MAINS :

comptez une poignée de feuilles et de fleurs, ainsi que

20 pincées de coques et d'écorce pilées, pour une cuvette d'eau très

chaude. ( Diurétique, calmant de Ia toux, efficace contre la fièvre et

Ies malaises hépatiques. 2 bains par jour.)

 

LAIT D’AMANDES :

 

pilez une petite poignée d'amandes douces avec autant

de sucre, et délayez Ie mélange dans un litre d'eau distillée; buvez le

tout avec du sirop de violette (contre les affections respiratoires), ou

avec une décoction de laitue (contre la fièvre).

 

 

 

 

 

 

 

L'ANGÉLIQUE ARCHANGÉLIQUE

 

J'aime à dire, tant elle a de vertus, que si cette espèce

était exotique, on l'importerait au poids de 1'or : mais on méprise

toujours ce qu'on a sous la main; et de même que la tendance de la

médecine officielle est de demander à la chimie toujours plus de subs-

tances barbares, de même le péché mignon des adeptes des simples

est-il de chercher le plus loin possible leurs remèdes naturels. Mon

père, âme simple et droite, m'a heureusement prémuni contre cette

façon de concevoir la guérison par les herbes. Je sais, parce qu'il me

les a montrés et parce que je les ai expérimentés, que les végétaux de

santé sont légion sur notre beau terroir.

 

L'angélique est digne de ses surnoms populaires d'herbe des anges

et d'herbe (ou racine) du Saint-Esprit. C'est une grande plante à

fleurs blanc verdâtre ou blanc jaunâtre, haute de plus de 2 m, à vastes

feuilles trois fois divisées, et qui meurt au bout de 2 à 4 ans, sitôt après

avoir fleuri pour la première fois. Je résumerai ses propriétés par

une anecdote : j'ai entendu parler, dans le village de mon enfance,

d'un homme mort à plus de 120 ans, et qui attribuait son exceptionnelle

longévité à I'habitude qu'il avait de mâcher de la racine d'angélique

en guise de chique de tabac...

 

L'angélique, à l'arôme suave, est dans toutes ses parties tonique,

stimulante, dépurative et sudorifique; elle calme les règles doulou-

reuses et les maux d'estomac, active toutes les sécrétions, combat

l'aérophagie et les vomissements spasmodiques, s'oppose aux vertiges

et aux migraines, fortifie les muqueuses des bronches et des poumons,

enfin favorise l'élasticité des muscles et I'action du coeur; c'est pour-

quoi je la recommande tout particulièrement aux sportifs en < baisse

de forme >. J'ai plus d'une fois utilisé les feuilles fraîches de cette

herbe-miracle pour hâter la cicatrisation des plaies, et la décoction

de ses racines pour reconstituer des tissus atteints. Les bains de pieds,

de mains ou même complets, donnent les meilleurs résultats lorsqu'il

s'agit de combattre des rhumatismes, lorsqu'il faut calmer des nerfs

en pelote, ou lorsque l'organisme a besoin d'un tonique général pour

surmonter quelque épreuve difficile. Ainsi j'incite les écoliers candi-

dats aux examens, les athlètes à la veille d'un concours, les convales-

cents, les travailleurs de force au soir d'une journée pénible, à utiliser

cette plante. Mais attention.' les sucs de I'angélique sont extraordinaire-

ment actifs, et, si I'on en abuse,'peuvent être à l'origine de très désa-

gréables inflammations de la peau. Les bains ne devront jamais

dépasser 3 minutes, et les yeux devront être soigneusement préservés

de tout contact avec la plante ou avec le liquide dans lequel elle a

séjourné.

 

RÉCOLTE :

 

L'angélique fleurit de juin à août : cueillez ses feuilles

et ses fleurs juste avant l'épanouissement complet; n'oubliez pas de

ramasser ses graines en septembre; arrachez sa racine à la fin de

I'automne; vous pouvez aussi repérer un pied d'angélique en été, et

attendre le printemps suivant pour y prélever de jeunes pousses.

L'espèce croît spontanément dans les pays nordiques, sur les versants

des Alpes et des Pyrénées, ainsi que le long des cours d'eau qui des-

 

cendent de ces montagnes. L'angélique que I'on rencontre un peu

partout en France, dans les prairies humides, les bois, les lieux ombra-

gés, est une autre espèce, l'angélique des bois, moins parfumée et

moins riche en principes actifs.

 

PRÉPARATION ET EMPLOI :

 

INFUSION ET DÉCOCTION

(fatigue générale, aérophagie, ballonnements, vomisse

ments, asthme nerveux, migraines, règles douloureuses) : jetez l0 ù

20 pincées de racines râpées ou de jeunes pousses fraîches dans un litre

d'eau. (Une tasse par jour.) L'infusion et la décoction de graines sont

plus vigoureuses dans leur,s effets : ne dépassez pas 5 pincées par litre.

(Une tasse par jour.)

 

VIN

d'angélique (fortifiant et digestif ): jetez une poignée

de racines ou de semences mélangées de feuilles hachées dans un litre

de vin rouge, et laissez macérer dans un endroit tiède pendant 48 heures.

(Un verre à liqueur par jour avant le repas principal.)

 

BAINS DE PIEDS, DE MAINS OU COMPLETS

(rhumatismes) : jetez une poignée de racines (ou de

graines additionnées de feuilles) pour 20 litres d'eau. (Un bain par

jour, n'excédant pas 3 minutes.)

 

 

L'ANIS VERT

 

L'anis me paraît être l'un des meilleurs amis de I'appareil

digestif. Je ne serai pas contredit sur ce point par tous ceux qui en

usent comme apéritif. Encore faut-il ne pas se tromper sur la mar-

chandise. On appelle anis au moins trois espèces végétales très diffé-

rentes : la badiane ou anis étoilé, plante à n'utiliser qu'avec prudence,

originaire de Chine; le carvi ou anis des Vosges; et I'anis vert, qui est

un boucage et appartient à la même famille botanique que la carotte

(ombellifères). C'est celui-ci que j'emploie exclusivement.

On le baptise encore boucage à fruits suaves, pimpinelle anis, anis

 

boucage, petit anis, anis officinal ou anis d'Europe. Il est proba-

blement né en Orient, et il n'existe en Europe - malgré I'un de ses

noms vulgaires - qu'à l'état cultivé. Sa tige striée porte différentes

sortes de feuilles, celles de la base, arrondies et entières, les suivantes

à trois divisions en coeur, les suivantes encore à 3 ou 5 divisions

étroites; et les dernières sont plusieurs fois redécoupées en fines

lanières. Ses fleurs blanc jaunâtre, groupées en bouquets (ombelles)

lâches, donnent des fruits en forme de petits oeufs, à deux < grains l

velus. Ce dernier caractère est fort important : il permet, avec le

parfum typique qu'exhale toute I'espèce, de ne pas la confondre avec

la redoutable ciguë qui lit mourir Socrate.

L'anis est une plante familière de I'ancienne médecine chinoise et

 

indienne. En Europe, il est mentionné dès le vii e  siècle, et Albert

le Grand le recommande au xiii e. A I'heure actuelle, on en distingue

plusieurs variétés : l'anis de Touraine, très vert et très doux; I'anis

russe, noirâtre; I'anis d'Albi, blanchâtre; et l'anis d'Espagne, de

teinte cendrée - le plus réputé de tous.

Les fruits de l'anis vert stimulent l'ensemble des fonctions du corps,

activent les sécrétions, soutiennent la pompe cardiaque, amplifient

les échanges respiratoires, renforcent les défenses de l'organisme

contre l'infection, et accroissent le rendement des cellules nerveuses -

donc du cerveau et de la moelle épinière. Mais I'essence de ces mêmes

fruits, isolée, est un véritable stupéfiant : or c'est elle qui est employée

à la confection des apéritifs anisés du commerce : prudence, donc,

sur les petits verres de onze heures-midi et de six heures-sept heures

du soir...

Je recommande surtout I'usage de I'anis chaque fois qu'il s'agit de

stimuler I'appareil digestif et d'éviter les troubles dus aux digestions

difficiles (migraines, vertiges, coliques venteuses) et cela à condition

qu'il n'y ait pas d'irritation de la bouche, de l'oesophage et de l'in-

testin. La plante fait également merveille contre la toux, l'asthme,

les bronchites et la mauvaise circulation du sang. Je l'ai donnée avec

succès, en bains locaux, à des femmes qui souffraient de règles dou-

loureuses, et à d'autres qui voulaient nourrir leur enfant au sein

et qui manquaient de lait.

 

RÉCOLTE :

Vous ne trouverez pas d'anis vert dans la nature,

mais vous pouvez fort bien le cultiver au jardin, pourvu que vous

habitiez une région où de grands écarts de températures ne sont pas

trop à craindre. Choisissez un terrain léger, chaud, perméable et

exposé au Sud. Semez en ligne, après les dernières gelées. Récoltez

les amas de fruits en août-septembre, lorsqu'ils viennent juste de bru-

nir. Opérez à la rosée du matin pour éviter qu'ils ne s'égrènent pré-

maturément. Faites les sécher au soleil ou à l'ombre. Battez les, et

conservez-les dans un endroit sec.

 

PRÉPARATION ET EMPLOI :

INFUSION ET DÉCOCTION :

comptez 5 à 10 pincées de fruits d'anis vert par litre

d'eau. (Une à 2 tasses par jour, comme stimulant, contre les digestions

difficiles et les règles douloureuses.)

 

POUDRE :

 

pilez très finement, avant Ie repas principal, 2 à 3 pincées

de grains d'anis, que vous avalerez avec du miel, du sucre, de l'eau

ou une tisane quelconque. (Une seule dose par jour,)

 

DÉCOCTION

 

pour l'usage externe (notamment en compresses sur

les seins pour les désengorger et provoquer l'afflux de lait) : comptez

15 à 20 pincées de fruits par litre d'eau.

 

BAINS DE MAINS ET DE PIEDS :

comptez une cuillerée à soupe de grains par litre d'eau.

 

AUTRES USAGES :

tout en évitant les liqueurs et les apéritifs anisés, vous

pouvez très bien faire une cure agréable d'anis en en incorporant des

grains à vos pâtisseries, à vos confitures, etc. Il existe, dans les bonnes

herboristeries, des pastilles d'anis qui, tout en parfumant la bouche,

favorisent la digestion.

 

INFUSION COMPLEXE

pour tous ceux qui ont des digestions difficiles ou des

ballonnements : 2 pincées d'anis vert, 2 pincées de fenouil, 2 pincées

de sauge et 2 pincées de menthe par litre d'eau.

 

POUR LA BEAUTÉ :

 

contre la peau grasse, buvez en alternance

 

- un soir une tisane d’anis (à 2 pincées par tasse)

- le lendemain une tisane composée ainsi : une pincée de fleurs

d'oranger, une pincée de tilleul, une pincée de romarin.

 

 

 

L'ARNICA

 

 

 

Il n'y a pas d'arnica à Gavarret. C'est dans les montagnes

des Pyrénées, chères au coeur de Charles Trenet, qu'enfant, j'allais

de temps à autre en récolter assez pour soigner les coups que nous

ne manquions pas de nous infliger dans nos jeux d'enfants...

La foule des noms vulgaires de cette grande  marguerite  jaune

 

orangé des montagnes, aux feuilles toutes disposées en rosette à

la base (sauf deux, opposées, au beau milieu de la tige), est à elle

seule assez éloquente. On I'appelle arnique, doronic des Vosges

ou d'Allemagne, bétoine des montagnes ou des Vosges, herbe aux

pécheurs, tabac des Savoyards (ou des Capucins, ou des Vosges,

ou des Alpes), quinquina des pauvres, souci des montagnes (ou des

Vosges, ou des Alpes), herbe à éternuer et, par-dessus tout, panacée

des chutes. Ses propriétés sont fort nombreuses : l'arnica stimule aussi

bien le système nerveux que les appareils digestif, respiratoire et

circulatoire. L'espèce est apéritive et diurétique, purgative et propre

à combattre la fièvre; elle débarrasse les bronches des glaires qui

les encombrent; elle favorise le bon déroulement des règles; elle est

dotée d'une incontestable action contre la goutte et la dysenterie;

.j'ai pu vérifier ses qualités dans des cas de coqueluche, de pneumonie

et d'angine de poitrine.

Mais I'arnica - la panacée des chutes -, est le remède universel

des chocs et des chutes : en applications externes, l'espèce reConstitue

les tissus et fait disparaître mieux que tout autre médicament les

amas de sang (parfois de pus) qui accompagnent ecchymoses, contu-

sions, foulures et entorses. J'en ai employé la teinture avec succès

pas seulement contre les coups, mais encore contre les blessures

vives et les furoncles. Il lui arrive de faire merveille dans des cas

d'acné rebelle à tout traitement.

 

RÉCOLTE :

 

L'arnica ne se trouve que dans les prairies de montagne,

en terrain acide; elle fleurit de juin à août. Cueillez-en les < fleurs >

(pour les botanistes, il s'agit de capitules, c'est-à-dire de groupes

de fleurs) avant l'épanouissement, mais n'oubliez pas d'en ramasser

soigneusement les feuilles, et d'en arracher quelques racines. Toute

la plante sèche admirablement bien et se conserve de longs mois à

l'ombre.

 

PRÉPARATION ET EMPLOI :

 

En usage interne, il faut employer l'arnica avec pré-

caution, car elle peut provoquer des étourdissements, des tremblements

et des secousses nerveuses

 

INFUSION ET DECOCTION

 

  • de fleurs : e dépassez pas 10 pincées de fleurs fraîches par litre d’eau ; 5 sont suffisantes
  • Les fleurs èches sont moins actives :

 

Allez jusqu'à l5 pincées. Filtrez soigneusement votre préparation,

de façon qu'il n'y reste aucune des aigrettes de la plante, ce qui

irriterait la gorge du buveur. (Une petite tasse par jour, comme stimu-

lant, diurétique, apéritif et conte la fièvre.)

       * de feuilles : ne dépassez pas 15 pincées de feuilles

sèches par litre d'eau. (Une tasse par jour.)

        * de racines : ne dépassez pas 5 pincées de racines hachées

par litre d'eau. (Une tasse par jour.)

 

TEINTURE DE FLEURS SÈCUES

 

(contre la goutte, la coqueluche, la pneumonie, l'an-

gine de poitrine) : faites macérer pendant deux semaines 10 pincées

de fleurs sèches dons un verre d'alcool à 90 o ; n'employez pas autrement

cette teinture qu'en gouttes dans une tisane douce. (Une goutte le pre-

mier jour, 2 le second, et ainsi de suite jusqu'à 7, avant de revenir pro-

gressivement à 1. )

 

TEINTURE DILUÉE

 

pour usage externe ( traumatismes, bleus, coups, blessures,

etc.) : préparez la teinture de la même façon que précédemment, puis

délayez la dans au moins trois fois (mais mieux vaut dix fois) son

volume d'eau. Vous pouvez préparer vos teintures avec la plante entière :

même,  proportions - et mêmes précautions.

 

 

L'ARTICHAUT

 

Je ne vous ferai pas l’injure de vous présenter en détail

cet énorme cousin du chardon et de la marguerite (il appartient

aussi à la famille des composées). De cet aristocratique personnage

végétal, vous ne mangez guère que le < fond > et le bas des<feuilles>

c'est-à-dire le réceptacle qui porte les fleurs - les < poils > - et les

fausses feuilles ou bractées qui les entourent.

Moi, de I'artichaut, j'utilise tout. L'artichaut commun, dont les maraî-

chers ont aujourd'hui sélectionné des dizaines de variétés différentes,

est très probablement issu du cardon sauvage. Les anciens Égyptiens

en ont inauguré la culture, et c'est grâce aux Arabes que l'Espagne

et- I'italie d'abord (au xv e siècle), puis la France et I'Angleterre

au xvi e , ont dû le connaître

 

Du végétal, la partie la moins active est, hélas, constituée par ce

que l'on mange- Le reste est incroyablement amer, exceptionnellement

apte aussi à provoquer la sécrétion de la bile et l'élimination de l'urée.

L'artichaut est à indiquer en priorité dans tous les cas d'insuffisance

hépatique ou rénale, de coliques hépatiques ou néphrétiques, de jau-

nisse, de goutte, d'obésité, d'urticaire, de rhumatismes, d'asthme et

l'eczéma. C'est en outre un ami de la circulation, dans la mesure où

il prévient la plupart des troubles dus au cholestérol : durcissement

des artères, angine de poitrine,- infarctus, congestion cérébrale...

 

RÉCOLTE :

 

Si les températures hivernales de votre région ne des-

cendent pas en hiver en dessous de –10 o C., alors n'hésitez pas à

planter I'artichaut au jardin - au potager ou même au jardin d'or-

nement. Comme j'estime cette plante le meilleur préventif contre les

 

troubles de la cinquantaine (mais les jeunes paraissent de plus en

plus fragiles, peut-être à cause des folies de notre civilisation), je

ne saurais trop vous recommander sa culture. Si vous n'en avez

pas la possibilité, alors cherchez un fournisseur sûr, qui vous donnera

votre ration annuelle de feuilles et de racines cueillies en même temps

que le légume, et, autant que possible, cultivées < biologiquement >

(sans insecticides ni pesticides).

Choisissez pour vos artichauts cultivés un endroit frais et sec, plantez-

les profondément et butez-les très haut en automne pour les préserver

du gel. Récoltez feuilles et racines en été.

 

PRÉPARATION ET EMPLOI :

 

INFUSION ET DÉCOCTION

de feuilles et (ou) de racines : jetez une demi poignée

de parties végétales dans un litre d'eau; sucrez abondamment au miel,

car ces préparations sont extrêmement amères. (3 tasses par jour,

avant les repas.)

 

SUC

frais de feuilles : trois

par jour, dans du miel, du lait, du vin

atténuer l'amertume.

 

ou quatre cuillerées à soupe

blanc ou du madère, afin d'en

 

BAINS DE PIEDS ET DE MAINS

 

comptez une bonne poignée de feuilles et de racines

par litre d'eau (contre l'acné, les dartres, les eczémas, les affections

du foie, les migraines hépatiques, la constipation et les coliques hépa-

tiques ).

 

TEINTURE :

 

laissez macérer pendant une à deux semaines 400 à

500 g de feuilles dans un litre d'alcool; filtrez. (Une cuillerée à soupe

par jour.)

 

NOTA :

 

Ne vous privez surtout pas de I'artichaut-légume sous

prétexte qu'il est moins actif que les feuilles et les racines. Faites-

en au contraire des orgies : la quantité suppléera la qualité, et votre

palais n'y perdra pas...

 

 

 

 

L'ASPERGE

 

Ce qu'on mange de l'asperge, ce mets si délicat, cette

douceur au palais des gourmands, ce n'est qu'un jeune rameau prin-

tanier de la plante (les cultivateurs disent un < turion >). Le végétal

tout entier se compose d'un ensemble de racines et de tiges souter-

raines ou rhizomes, qu'on appelle la < griffe >, et de plusieurs tiges

aériennes élancées, tout hérissées de petits panaches de rameaux

avortés. Les fleurs, minuscules et verdâtres, ressemblent un peu aux

clochettes du muguet - et de fait, comme ce dernier, l'asperge appar-

tient à la famille des liliacées. Deux espèces, surtout, sont importantes :

l'asperge cultivée et I'asperge à feuilles aiguës ou asperge sauvage;

celle-ci ne pousse que dans les endroits secs et rocailleux des contrées

méditerranéennes.

 

Les Égyptiens cultivaient déjà l'asperge, et ce sont les Grecs qui 1'ont

introduite dans le sud de l'italie et de la France. Les pousses que I'on

mange en entrée ont la même action, mais plus faible, que les griffes

du végétal. L'espèce est essentiellement diurétique; chacun sait

que, quand on en absorbe, I'urine prend une odeur bien particulière.

Elle est à recommander à tous ceux dont les reins manifestent quelque

paresse (sauf en cas d'inflammation des voies urinaires), aux malades

de la vessie, du foie, du coeur, ainsi qu'aux goutteux. Elle est particu-

lièrement efficace contre l'insuffisance hépatique, elle calme les pal-

pitations mieux que toute autre, et je la recommande tout parti-

culièrement aux intellectuels qui ont besoin de fournir un gros effort.

Elle contient en quantité une substance azotée, l'asparagine, qui est

indispensable à l'édification, à la division et à la réparation éventuelle

des cellules du corps.

 

RÉCOLTE, :

 

Il est assez difficile d'identifier l'asperge sauvage :

aussi vaut-il mieux ne pas prendre le risque de cueillir à sa place

quelque herbe vénéneuse.

Contentez-vous des < griffes > de I'asperge cultivée; si vous savez

la faire venir au jardin (ce qui est plutôt compliqué), déterrez racines

et rhizomes à I'automne, lorsqu'ils sont le plus bourrés de principes

actifs. Si vous n'en avez pas au potager, achetez-en dans une bonne

herboristerie; mais surtout, défiez-vous des plants < industriels >,

arrosés d'engrais chimiques et d'insecticides.

 

PRÉPARATION ET EMPLOI :

 

INFUSION OU DÉCOCTION :

 

comptez une demi-poignée à une poignée de griffes

fraîches par litre d'eau. (2 tasses par jour.)

 

LÉGUME :

 

mangez-en autant que vous voudrez, sauf si vous souffrez

d'une quelconque affection des voies urinaires ou de rhumatisme

articulaire aigu (par contre, les rhumatisants chroniques peuvent en

consommer ).

 

BAINS DE MAINS ET DE PIEDS

 

(contre les insuffisances hépatiques et les palpitations) :

comptez une poignée de griffes et quelques pointes d'asperges écrasées

par litre d'eau.

 

 

L'AUBEPINE

 

Qui n'a pas remarqué, au mai joli, la neige immaculée

des buissons d'aubépine en fleurs, dans la campagne frémissante de

toutes les nouvelles sèves printanières? Qui n'a pas fait la douce et

cruelle expérience, au hasard d'une promenade, des épines acérées de

cet arbuste de rêve ?

 

Mon père ramassait des paniers entiers de ces minuscules fleurettes

blanches, que ma mère faisait sécher soigneusement. Ce n'est pas sans

regret que je vois, à la faveur des remembrements, disparaître les haies

vives de nos champs. Car où trouverai-je demain l'aubépine de mon

coeur. qui du coeur est I'amie?

On classe I'aubépine. encore appelée albépine, aubespin, épine blan-

che, épine de mai. bois de mai, poire d'oiseau, cenellier ou noble épine,

dans la famille des rosacées, comme l'églantier, la ronce et le pommier.

C'est un arbuste de taille variable (exceptionnellement jusqu'à 10 m),

qui forme des enchevêtrements impénétrables de rameaux à l'écorce

 

gris clair et aux petites feuilles vertes, luisantes et échancrées. Les fleurs,

à 5 pétales blanc pur (parfois légèrement teintés de rose), avec une

mousse d'étamines jaunes au creux de la corolle, exhalent, à la vérité,

une odeur plutôt désagréable. Les fruits arrondis rougissent à l'au-

tomne : nos lointains ancêtres des cités lacustres les mangeaient, car

on en a retrouvé quantité de noyaux près de leurs habitations; aujour-

d'hui encore, en Europe centrale, ils servent à confectionner une sorte

de  pain  sauvage.

L'aubépine a été recommandée par les plus hautes autorités médicales

du Moyen Age et des Temps modernes contre la goutte' la pleurésie'

les hémorragies et les pertes blanches. La sage-femme de Marie de

Médicis, Louise Bourgeois, la donnait à ses illustres patientes pour

dissoudre les calculs urinaires. Je me garderai bien de contredire tous

ces avis, qui sont assurément le résumé de centaines d'années d'expé-

riences populaires ou savantes. Mon père, quant à lui, utilisait l'écorce

du végétal contre la fièvre, ses fruits contre la diarrhée, et surtout ses

fleurs pour régulariser le coeur et la tension artérielle. Je les emploie

également contre les spasmes nerveux, l'artériosclérose, l'angine de

poitrine et l'obésité. c'est l'une de mes meilleures < herbes tranquil-

les >. Tous ceux qui se sentent fatigués, qui manquent de ressort, qui

dorment mal, qui respirent avec difficulté, qui sont sujets aux vertiges,

aux palpitations, aux angoisses, à la nervosité, aux bourdonnements

d’oreilles, tous les hypertendus (et I'on sait comme I'hypertension est

répandue dans notre siècle de nourriture malsaine, de pollution et

dàgitation), tous ceux qui veulent se prémunir contre les dangers du

cholestérol et du durcissement des artères, tous les malheureux qui

souffrent de crises cardiaques, tous ceux-là peuvent à coup sûr recou-

rir à I'aubépine. Le traitement doit être poursuivi assez longtemps

pour porter définitivement ses fruits. Si I'aubépine agit moins rapide-

ment sur le coeur que la digitale, elle guérit bien mieux les affections

de I'ensemble du système circulatoire; et elle a l’ immense avantage de

ne présenter aucun caractère de toxicité.

 

 

RÉCOLTE :

Vous trouverez des buissons d'aubépine partout dans

la campagne; mais évitez ceux que I'on a plantés comme haies vives

le long des routes ou près des habitations : ils risquent d'être pollués.

Allez plus loin, là où les fumées empoisonnées ne risquent pas de rui-

ner les effets bénéfiques de l'espèce. Si vous décidez de planter de

l'aubépine au jardin - I'effet décoratif n'est pas négligeable -, procé-

dez comme avec tous les arbustes, ou mettez les fruits en terre à I'au-

tomne. Le végétal s'accommode de tous les sols et de tous les climats.

Détachez des lambeaux d'écorce au printemps, à la montée de la sève

et utilisez-les frais ou séchés. Cueillez les fruits en automne, lorsqu'ils

sont devenus bien rouges (mais certaines variétés restent plutôt oranges

ou jaunes).

Ramassez les fleurs, de préférence les blanches, soit en boutons, soit

immédiatement avant l'épanouissement complet, entre avril et juin,

selon que la saison est plus ou moins avancée; ne tardez pas, car elles

continuent de s'ouvrir après avoir été détachées, et risquent alors de

se défaire. Prenez-les une à une ou par grappes entières, éliminez toutes

les feuilles qui pourraient se glisser dans votre cueillette, et étalez cette

dernière en couche mince, à l'ombre.

 

PRÉPARATION ET EMPLOI :

 

DÉCOCTION

contre la fièvre (à boire, ou en bains de pieds) : jetez

10 pincées d'écorce hachée par litre d'eau. (2 ou 3 tasses ou 2 ou 3 bains

par jour. )

de fruits séchés contre la diarrhée (à boire ) : jetez 10 pin-

cées de baies dans un litre d'eau, et absorbez la totalité du liquide obtenu

par petits verres) en 48 heures.

 

INFUSION

de fleurs contre tous les spasmes et les troubles circula'

toires : jeter deux bonnes pincées de fleurs par tasse d'eau bouillante.

(2 à 3 tasses par jour, aussi longtemps qu'il le faut, avec des interruptions

régulières de quelques jours. )

 

BAINS DE MAINS ET DE PIEDS

 

de fleurs (mêmes indications que I'infusion) : jetez 10

à 20 pincées de corolles par litre d'eau. 2 bains par jour. Accompagnez

ces bains de pieds et de mains, qui ne constituent qu'un traitement

 

 

 

d'entretien, de compresses sur la région du coeur, dans les cas d'angine

de poilrine, d'infarctus, de tachycardie ou d'oedème pulmonaire. Pour

Ies maux d'estomac (crampes, etc.), renforcez également les bains

de pieds et de mains par des compresses chaudes sur la région

douloureuse, après les repas. Appliquez des compresses sur les

reins contre le,s lumbagos. Des compresses glacées sur la tête, en cas

de migraine nerveuse, peuvent avoir les meilleurs effets. Les bains

de pieds sont à éviter si I'on souffre de varices : il vaut mieux s'en tenir,

alors, aux bains de mains.

 

CATAPLASMES

 

de fleurs fraîches ou de fruits écrasés : contre les crises

d'angine de poitrine, les palpitations, les diarrhées, les lumbagos, les

rhumatismes.

 

 

 

 

 

L'AUNEE

 

Elle fleurit du printemps clair au vieil automne, cette

grande cousine de la marguerite aux fleurs jaunes, rayonnées comme

des soleils d'enfants... On la cultive assez souvent comme ornementale,

et c'est auprès des fossés, ou dans les bois humides, qu'on a le plus

de chances de rencontrer, dans la nature, ses larges feuilles rudes au-

dessus et toutes cotonneuses en dessous...

 

Il existe de nombreuses espèces d'aunées, ou inules (aunée conyze,

aunée visqueuse, aunée à feuilles de saule, etc.), mais la plus belle et

la plus utile est la grande aunée, encore dite astre de chien, soleil vivace,

quinquina indigène, aillaume, oeil de cheval, lionne, inule campane,

hélénine ou panacée de Chiron.

Le nom d'aunée vient probablement du grec helénâ, < petite corbeille >,

mais j'aime à imaginer, à la façon des antiques phytothérapeutes

Théophraste et Dioscoride, que la plante était chère à la belle Hélène,

la femme de Ménélas, I'amante de Pâris, pour qui Achéens et Troyens

se sont battus pendant dix années... Quoi qu'il en soit, l'espèce est

I'une des plus anciennement utilisées pour guérir. A Athènes, à Rome,

dans I'Europe du Moyen Age, on la recommandait contre les bronchi-

tes, la toux, la coqueluche, les pneumonies et les maladies de coeur.

En Allemagne, on en faisait un vin réputé effi.cace même contre la

peste, et qu'on appelait  vin de saint Paul  ou  potion de saint

Paul .

L'aunée, je I'ai expérimenté mille fois, est un excellent tonique géné-

ral et un stimulant de toutes les muqueuses. Sans prétendre, comme

on l'a fait jadis, qu'elle suffit à guérir la tuberculose, je la crois salu-

taire dans la majeure partie des maladies de l'appareil respiratoire :

angines, bronchites, toux, asthme, coqueluche, pneumonie, pleurésie.

La coqueluche est devenue plus rare, de nos jours, qu'au temps de mon

enfance : mais je me souviens fort bien avoir vu mon père soulager et

guérir un petit coquelucheux avec des infusions et des bains d'aunée.

Et s'il est vrai qu'à l'heure actuelle la bronchite chronique (du fait de

la pollution) tue au moins autant que l'infarctus, alors l'aunée a de

nouveau.un rôle à jouer...

D'ailleurs, I'espèce ne borne pas son action aux seules voies respira-

toires : elle est diurétique (donc indiquée contre la paresse des reins,

la goutte, les rhumatismes, etc.). Elle provoque la sueur, elle est anti-

septique et elle nettoie le sang (ce qui la rend précieuse dans tous les

cas de maladies infectieuses). Elle est particulièrement efficace dans

le traitement des maladies de la peau (dartres, acné, herpès) et des

plaies superficielles (coupures, ulcères). Enfln elle est apéritive, elle

aide au travail de I'estomac, elle calme les brûlures de cet organe et

elle combat les nausées.

 

RÉCOLTE :

De l'aunée, vous utiliserez essentiellement la racine,

formée en réalité d'une grosse et courte tige souterraine (rhizome) et

de nombreuses racines annexes. C'est en automne qu'elle contient le

plus de vertus. Coupez-la en rondelles, après l'avoir soigneusement

brossée, et faites-la sécher. Elle prend, avec le temps, une délicieuse

odeur de violette. Pour cultiver la plante au jardin, choisissez un sol

épais, frais, et labouré très profondément.

 

PRÉPARATION ET EMPLOI :

 

INFUSION :

jetez une demïpoignée de racines pilées dans un litre

d'eau (2 à 3 tasses par jour.)

 

DÉCOCTION

(assez âcre au goût, donc meilleure pour l'usage externe :

compresses, pansements, etc.) : jetez une demi-poignée de racines dans

un litre d'eau.

 

BAINS DE MAINS ET DE PIEDS :

mêmes proportions que pour la recette précédente ; vous

pouvez, en saison,.ajôuter à votre bain quelques fleurs Jraîches de la

plante.

 

VIN

 

d'aunée : jetez une bonne poignée de racines coupées en

rondelles dans un litre de vin blanc ; faites reposer pendant une semaine ;

sucrez (un petit yerre aux repas ) .

 

INHALATIONS

.:

 (contre toutes les maladies de l'appareil respiratoire) :

respirez sous un linge la vapeur d'une décoction très chaude et très

concentrée (à deux poignées de racines par litre d'eau).

 

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